Salus
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Posté à 13h23 le 08 Nov 17
PPPF N° 2
Petit Précis de Poétique Formelle
Seconde fournée.
- Résumé : L’auteur, toujours faraud, a réussi à arnaquer le premier épisode !
Mais il va falloir s’y mettre…
– Les préceptes, affirmations catégoriques et vérités assénés sont tous (on devrait au regard de la majorité féminine, dire « toutes ») de ceux qui font tourner « l’impréhensible », machine folle emballée dans l’infiniment vide, explorant en aventurier acharné les multiples scarifications pratiquées dans la trame du réel par la poésie, et plus particulièrement par le Symbolisme, outil perfectionné qui s’adapte à la porosité du plan, fonctionne sur plusieurs niveaux, est susceptible de se thixotroper (si, par adjonction de synecdoques colloïdales, par exemple), et dont le cristal, ductile mais résistant, possède un nombre infini de facettes… ça fait rêver.
Cela étant, commençons par survoler, au hasard de l'inspiration, quelques de ces rouages, partagés ou déduits du classicisme, où s'astreignent, dont dépendent, ces vers nouveaux ; il pourrait être judicieux d'introduire par un florilège d'exceptions variées telles :
hier, hiatus, Iambe, hyène, oui, amour ...il doit en traîner encore une ou deux, en ce
bouquet, si ça me revient, je vous en parle !
- Hier - suivant la disposition des mots, la musicalité du vers, sa tessiture, les phases de la lune et la forme des nuages (attention, JAMAIS selon le bon vouloir du scribe ni pour son confort !), hier se prononcera en diérèse, ex : « T’en souvient-il ? – C’était hi-er ! »
ou en synérèse : « Hier, mort ! Mais aujourd’hui ? - pareil ! »
(notez le côté brutal de la monosyllabe, qui en rajoute!)
Exergue :
La référence de l’impréhensible, c’est la règle classique ; si vous regardez attentivement
autour de vous, et même, chantres, à l’intérieur - de vous – vous verrez qu’en poésie, celle qui comporte des vers, c’est à dire avec un retour requis à la ligne, la règle classique est comme l’étoile polaire, elle indique une immuable direction, elle est dans l’axe littéraire !
Écoutez la radio, la chanson la plus mauvaise, la pire des bluettes, rime !
- ou tente de le faire – inversement, prenez, je ne sais pas, un poème de Marine Laurent, bien qu’elle se défende de toute technique, on voit qu’elle maîtrise la versification ; simplement (!) elle, elle se situe au-delà !
Mais ses textes sont truffés d’octosyllabes parfaits, d’allitérations savantes, de rimes artistement approximatives !…De la technique, elle a digéré, quant à son style, suffisamment de pourquoi et de comment, et ne s’en sert plus que « d’amer » (point repérable sur la côte, en navigation) pour un voyage poétique libéré de la contrainte formelle…
- Attention ! la contrainte informelle peut être encore pire !
- Écrire « n’importe quoi », ça ne marche pas, c’est nul.
On a mis plus de mille ans pour forger cet outil merveilleux d’ingéniosité, d’équilibre et de
logique, et ce n’est pas fini ; cessons de considérer la versification comme une entrave ; c’est un guide !
Fin de l’exergue, qu’on ne confondra plus avec épigraphe, qui désigne une « citation
placée en tête d'un chapitre, d'un livre, sur le fronton d'un temple, etc. »
Que dit « la Règle » pour « Hier » :
"hier" autrefois s'employait en une seule syllabe. Depuis Boileau, il en compte deux, sauf avant-hier qui s'est maintenu avec une seule syllabe.
Mais la versification, qui demeure un exercice mémoriel de précision de la langue, est possiblement – et fatalement – ambiguë, ainsi, et selon Matthieu Segui, autre source
autorisée : « (…) le seul contre-exemple apparent connu est celui de l’adverbe hier, d’abord généralement "synérèsé", puis tout aussi généralement "diérèsé" (chez Racine et
Boileau par exemple), avant d’exhiber une variation apparemment libre entre les deux syllabations (ainsi chez Hugo). » …et chez moi !
Rappelons que les sons « i-é », précédés d’une consonne, se prononçaient tous, jadis, en une seule syllabe, et ce contre la logique même de la règle classique, qui se justifie, en ce qui concerne les diérèses, par un rappel (mémoriel) à l’étymologie, que l'impréhensible
affectionne mais condamne pour « rigidité phonique » - prosodique, donc.
La spécificité de la langue étant à la fois l'écueil du sens et la beauté musicale de la poésie, à quelques exceptionnelles et géniales traductions près, on peut étendre le raisonnement et en déduire que privilégier la prononciation vernaculaire est une possibilité logique, quand rien de vraiment universel n'a jamais été atteint sur le sujet.
Pétrarque était italien, sa musique est dialectale (Toscane)
L'impréhensible, vauclusien, a croisé le premier en Avignon !
(Nota : Le parler du Sud-Est de la France respecte plus souvent les diérèses
étymologiques que partout ailleurs dans le pays ; cependant, et pour leur élégance, on
conservera les synérèses.)
- L’arrangement pur et simple est inadmissible.
Pour exemple, l’on prononçait encore, du temps de Louise Labé, Sanglier en deux syllabes, grief en une seule, etc. (essayez, pour voir !)
- Hiatus, Iambe et Hyène, leur exception, c’est plutôt une question d’élision ; selon moi, l’on pourrait choisir, à son gré : « le hiatus », ou « l’hi-atus », « la hyène », ou « l’hy-ène » « Le iambe », ou « L'i-ambe »
(on peut rajouter « la ouate » ou « l'ou-ate », « le ion » ou « l'i-on » et si vous en trouvez d'autres, vous gagnez un caramel !)
Mais ces hiatus-là (et non ces ziatus !) ne sont point fautifs, au contraire ! leur particularité
crève les yeux : « La ouate, hiatus admis » (lawate yatusadmi) (heptasyllabe cohérent)
Essayons à l'envers : « L'ou-ate, hi-atus admis (louwati atusadmi) ( heptasyllabe incohérent)
Etrange ? Etrange...
…Et je dirais que l’Académie préconise l’élision ; mais attendez que j’y entre, à l’Académie !
Car à élider, fatalement, l'on liaisonne, et penser qu'on pût, en vers, écrire "des zi-ambes" est au dessus de mes forces !
Et puis, il est des mots qui sortent de tout contexte d'usage, et qui demandent la réflexion
d'un ressenti indubitable ; et, s'il prononcera, par respect pour la logique de la lettre, « anni-hiler », le vers impréhensible se contentera d'une voyelle longue pour « Graal, ou Baal ».
Note :
(Lorsque, comme suit, des vers sont cités sans nom d’auteur, c’est que ce sont les miens !)
Parfois point la nécessité d’une exception, d’une entorse qui s’impose d’elle-même :
Plutôt qu’aimer la farce infâme
Qu’un semblant littéraire oint
(Il faut parfois n’élider point)
Nous préférons nous fouler l’âme !
(Tiré de « Vierge Orée »)
Nous trouvons une équivalence du procédé dans un vers des « Oiseaux de passage »,
monument poétique, d'un classicisme rigoureux, de Jean Richepin :
Elle a fait son devoir ! C'est à dire que oncque
Elle n'eut de souhait impossible, elle n'eut
Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque
L'emportant sans rameurs sur un fleuve inconnu.
Ce quatrain, comme l'ensemble de ce long poème, est une merveille et c'est le ''e'' dur du mot ''que'' qui justifie ici le hiatus, lequel, heurt sonore puissant et particulier, se doit rare, mais l'est moins qu'il n'y pourrait paraître (Blanc et noir, un joug atroce, etc)
- Pour revenir à l’élision, celle, normalement autorisée, avec « oui », sera, sauf dérogation justifiée, proscrite dans la versification impréhensible, voici un contre-exemple légitime :
La poésie est solitairE,
OUI mais parfois,
Une élision louche déterre,
Au vent le froid
Du désir de lire et connaître,
- Au prix d' effrois !
La pensée au coeur de quelque être
En qui, je crois,
Se peut cacher un Baudelaire,
Un chantre adroit !
(...)
(Dans « La recherche des voleurs de feu »)
Regardez bien, ce sont tous des alexandrins déguisés, il faut les lire sur deux lignes !) et l'élision y est décrite en toutes lettres (marquée ici en capitale).
Bien évidemment, nul texte ne demande de comprendre ni de
traquer ce genre de détail, qui cherche, plus que tout, une simple fluidité dans l'oreille interne du lecteur.
Au niveau formel, bâti sur le principe de la régénération cellulaire du mythe, le corpus d'affects qui constitue l'ensemble de la mécanique empirique propulsant cette poétique en perpétuel devenir, multiplie les engrenages et les différentiels, forcé par la cinétique et le principe d'Orphée d'innover avec une rigueur nécessairement parnassienne, dans un contexte poétiquement ambigu, noir et jaune, sensuel, musical, romantiquement onirique...
- Quant aux soi-disant « libertés diérètiques » de la versification salucéenne, le moindre
examen un peu sérieux vous convaincra qu’un mot prononcé retrouvera toujours, en d’autres occurrences, le même nombre de syllabes, celui du parler du Sud-Est – sauf
exception motivée par une raison compréhensible :
J’ai déguisé mon priapisme,
J’eusse été nu, m’aurais-tu duit ?
Et comment l'eussé-je déduit,
Sans la diffraction du prisme ?
Tiré de « Mensonges et rêves », contrairement à mon sabir habituel – et vernaculaire - qui devrait prononcer le mot en synérèse, on lira :
« Di-ffrac-ti-on » - Pourquoi ? Le sens même du mot l’exige !
(Relativement au sujet, lire « Louche Mage », je m’y explique, en vers.)
Puis, en ce qui concerne le mot « amour », chacun sait que le pluriel en féminise l’emploi : « Un amour malsain, des amours malsaines »
Mais des générations d’aèdes, et non des moindres, s’étant permis absolument n’importe quoi avec ce mot, et avec raison, puisqu’il recouvre absolument n’importe quoi, toute
licence s’ouvre désormais aux poètes, qui prendront garde, toutefois, de ne pas sombrer dans le ridicule !
Ils se méfieront aussi de ces rimes fatales : Amours / Jours / Toujours, considérées comme éculées par la poésie classique - elles le sont, et ce depuis des siècles !
(Il n’est cependant pas interdit de tenter de rafraîchir ces rimes par une occurrence particulièrement originale ; j’y ai moi-même joué, avec plus ou moins de bonheur, mais, là, je ne retrouve plus le texte, tant pis !)
La prochaine fois ?
Ben…on continue !
Salut,
Salus !
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