Chacun me dit : « Ronsard, ta Maîtresse n’est telle
Comme tu la décris. » Certes je n’en sais rien,
Je suis devenu fol, mon esprit n’est plus mien,
Je ne puis discerner la laide de la belle.
Ceux qui ont en amour et prudence et cervelle,
Poursuivant les beautés, ne peuvent aimer bien.
Le vrai amant est fol, et ne peut être sien,
S’il est vrai que l’amour une fureur s’appelle.
Souhaiter la beauté que chacun veut avoir,
Ce n’est humeur de sot, mais homme de savoir,
Qui prudent et rusé cherche la belle chose.
Je ne saurais juger, tant la fureur me suit :
Je suis aveugle et fol, un jour m’est une nuit,
Et la fleur d’un chardon m’est une belle rose.