Christ en croix
par Emile NELLIGAN
Je remarquais toujours ce grand Jésus de plâtre
Dressé comme un pardon au seuil du vieux couvent,
Echafaud solennel à geste noir, devant
Lequel je me courbais, saintement idolâtre.
Or, l'autre soir, à l'heure où le cri-cri folâtre,
Par les prés assombris, le regard bleu rêvant,
Récitant Eloa, les cheveux dans le vent,
Comme il sied à l'Ephèbe esthétique et bellâtre,
J'aperçus, adjoignant des débris de parois,
Un gigantesque amas de lourde vieille croix
Et de plâtre écroulé parmi les primevères ;
Et je restai là, morne, avec les yeux pensifs,
Et j'entendais en moi des marteaux convulsifs
Renfoncer les clous noirs des intimes Calvaires !
Nelligan, Émile, 1879-1941 Ce poème a été vérifié et le contenu authentifié.
Poésies complètes
Dépôt légal : © 2002 Éditions TYPO
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
ISBN 2-89295-149-6
Poème posté le 08/12/16
par Claudel