L'abandonnée de Genly*
par Banniange par Banniange
"Cimetière de monastère dans la neige". par
Caspar David FRIEDRICH Illustration proposée par Banniange
On entendait encore aux heures vespérales
Un douloureux cantique empreint de nostalgie,
Le fantôme du vent au souffle immémorial
Titubait dans la nef décorée d’effigies.
Un châle poussiéreux rampait sur le long banc
Crevassé comme un vieux qui pria trop souvent,
Quelques feuilles jaunies d’un missel racorni
Palpitaient faiblement au pied d’un crucifix.
Les ombres agrandies des cyprès assombris
Traînaient en pénitents autour du tabernacle
Où des pies ricanaient poussant leurs noirs oracles
Qui résonnaient sans fin autour des piliers gris.
Des vitraux fracassés par les impies orages
Epanchaient à regret ses saints pépites d’or,
La cathèdre grinçait comme une arche en naufrage
Et les cierges fanés chancelaient, inodores.
Un relent funèbre remplissait les ciboires
Où gisaient sournoises les aragnes du soir,
Au fond d’une chapelle, une vierge éplorée
S’écaillait lentement, les deux mains fissurées.
Le vagabond ému contemplait le spectacle
De cette église nue, flagellée par le temps,
Abandonnée de tous, en quête d’un miracle,
Attendant son messie parti depuis longtemps.