Elle dansait sur la place
par Sucre et sel
Elle dansait sur la place au son d’un transistor
Distillant sans répit un rap tonitruant ;
Elle dansait… ses pieds nus caressaient le goudron
Comme frôle le sable la gazelle africaine.
Elle retrouvait d ’instinct les gestes des ancêtres,
A l’autre bout de l ’eau, à l ’autre bout du temps
Et le rap syncopé, et ses mots insipides
Devenaient tout à coup paroles de griot.
Elle dansait sur la place, le monde se taisait,
Suspendu à son corps ondulant sans entraves ;
Le strass de son piercing se prenait pour l’ étoile
D’une Shéhérazade à sa millième nuit.
De sa danse sourdaient des parfums d’orangers,
Des rêves bigarrés et des désirs d ’ailleurs,
Et l’on ne savait plus, vraiment, où l ’on était,
Une place française ? un marché de là-bas ?
Petite fille sombre, la grâce de ton pas,
Ton rire généreux et l ’envol de tes nattes
Nous offraient ce grand Sud que nous ne saurons pas
Que toi-même, sans doute, ne connaîtras jamais…
Longtemps je garderai, comme un trésor intime,
La magie de l ’instant, le cadeau très secret
Que me fit, ce jour-là, la fille de l ’exil,
Ce farfadet de nuit qui dansait sur la place.
Poème posté le 10/10/07