Couteaux
par Domagoj sirotinja
C'est l'histoire d'un peuple en décrue, un chemin de croix
à travers les cimes qui découpèrent les paysages, marquèrent
à jamais le visage de couleurs, de coups d'ombres étranglées.
Je suis un survivant de la mélodie Mujo Bolan.
Pourtant je ne suis ni bon ni brute ni truand, juste Slave,
du slavon à slava en passant par slovène, juste Slaven,
le couteau entre les lèvres, brûlant de bout en bout,
tragédie fleuve au bord de l'Europe, divine comédie
où se mèlent, pêle mêle, un divan coran, un dé de bible
et la fantaisie Torah pour couronner la tête de Goran le poète
(Goranov vijenac) et perpétuer les traditions orales
qui remontent ainsi le cours de l'inconscient.
Ce sont les couteaux qui tranchent, tranches de vie,
vie saignée à blanc, balles perdues dans l'anonymat
de l'occupant hongrois, vénitien, turc, allemand, russe,
tous noyés avec bonheur dans leur masse triomphale.
Ah que n'ai-je gagné d'être malhonnête : champs, rois,
chants, sons, blablabla... La vérité met en échec, et la franchise sur l'échafaud, blablabla... Ce sont nos vies de scélérats ! L'histoire de mélodie Mujo Bolan n'est semblable à nul autre état, elle trouve sa source dans les montagnes rudes d'HercegBosna, cette terre couvée de sang androgyne
qui coule dans la Neretva depuis un temps incalculable.
On ne justifie pas le sang pour le sang, on aime pas le sang
pour le sang, mais la barbarie se joue des hommes
afin d'en extirper ce jus qui est synonyme de vie
et sa rupture en est la mort.
Inscrit dans le livre intemporel de la bêtise humaine.
@ Edi Sorić
Poème posté le 06/05/10