Une dernière fois
par Lasource
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Une dernière fois, les forêts de mes jeunes années,
avec mon père qui m’enseignait patiemment
les noms des fleurs et me montrait à midi
le lézard vert en train de se réchauffer sur sa dalle
les yeux clos ainsi qu’un Boudda en méditation…
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Une dernière fois, comme si le monde tel que
je l’ai vécu avait de l’importance, avec ses monts jaunes,
les arcades blanches des chapelles égarées,
les lacs à l’iris vert au milieu des plaques de neige
bleuissant les creux, les campanules secouées
par le courant d’air qui traverse les passes froides,
là où les rochers sont fendus par l’épée d’un géant…
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En marchant dans le sous-bois tu te sentais réconforté
par la vision des mousses au pied des chênes,
l’impression que rien parmi les troncs ne pouvait
être mortel, et que les châtaigniers éternels tiraient
leurs langues de bœuf pour te faire sourire.
Le coucou dans les ramées bleues t’appelait en mai,
gélinottes, fauvettes, rouge-gorge, prenaient octobre
et novembre en charge. Un pays dépourvu de doute…
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C’est tout le contraire à présent. Toutes les fois sont
dernières, tu le sais. La musique des sphères qui emporte
les nuages sur ses itinéraires infinis a quelque chose
désormais d’héroïquement tragique. L’univers partout
affiche la grandeur de ce que tu as par anticipation perdu.
Même le fol élan d’aimer s’est reconnu merveille frêle !
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Poème posté le 26/09/16