Point d’étape
par olivier13240
La vie est ainsi faite que pour chacun d’entre nous
On ne manque de rien ou l’on manque de tout.
La mienne tout particulièrement se conjugue ainsi,
Ne sachant ce que je possède ou ce que j’envie.
S’arrêter sur une page, le temps d’une poésie,
C’est faire un pas de côté, un arrêt sur image.
C’est se désaliéner des élans irrésistibles de la vie
Qui conditionnent tant de nos irréfléchis dérapages.
Je profite de l’instant rare de cet intermède improvisé,
Pour gravir l’échelle d’un hypothétique observatoire
Et respirer autrement, pleinement, sans rythme saccadé
afin de retisser, un à un, les fils de mon histoire.
De ce promontoire éthéré, le temps s’arrête enfin.
Que manque-t-il alors à mon parfait bonheur ?
De l’argent comme pour tout un chacun,
légende de bonheur, c’est surtout un leurre.
Et tels des lévriers enragés, qui, lâchés à sa conquête
Déroulent aveuglément leur course au cynodrome.
Pour cent concurrents, un seul est à la fête,
Courir après l’argent c’est fuir sa vie d’homme.
Je remonte soudain, le temps de mon existence
Comme un diaporama d’images fugaces.
Pour atteindre enfin un souvenir d’enfance,
Un moment magique que ma mémoire embrasse
Les années suivantes défilent beaucoup plus vite
Comme une projection accélérée de vieils instantanés.
Le bonheur s’altère quand les souvenirs s’effritent.
Que me dit ma mémoire de ce qui m’a manqué ?
Fratrie, complicité, famille et solidarité
Telle est la sémantique de mon enfance
Que n’ai-je point eu qu’un cœur pouvait donner ?
Finalement rien et tout en abondance.
Tout ce que l’amour donne vous enrichie vraiment.
C’est votre courage de demain, vos vertus intrinsèques.
Je ne percevais pas tout cela, étant adolescent.
Me cherchant un destin sans prévoir d’hypothèque.
On rentre en conflit avec ce que l’on est,
Cherchant ailleurs ce que l’on pourrait être.
Une initiation sociale aux sentiers escarpés
Où l’on sacrifie tout sur l’autel du paraître.
Pourtant, quelle douce sensation de liberté !
S’affirmer, tenter l’expérience, oser l’interdit
Découvrir l’étrange histoire de sa virilité
Et résumer aux plaisirs, le sens de la vie.
Puis un visage soudain se dresse sur ta route
Qui enflamme ton être d’un feu intérieur
Et te pousse vers lui sans l’ombre d’un doute
Pour embrasser son corps et épouser son cœur.
L’histoire s’écrit ensuite au fil des jours
Trainant avec elle son flot d’émotions
Qui fit de moi un père pour toujours
Fier de transmettre et perpétuer son nom
C’est curieux comme le temps s’accélère
Alors que l’on désire s’attarder sur l’instant.
Vieillit-on trop vite lorsqu’on devient père
Ou refusons-nous de voir grandir nos enfants ?
A travers eux nous revivons notre propre existence
On décrypte leurs angoisses, on envie leurs passions,
On jalouse leurs secrets sans se fier aux apparences
Et on cherche toujours réponses à leurs questions.
Se rappeler l’arc et les flèches de Gibran
Pour comprendre qu’ils ne sont pas nous
Qu’ils deviendront des hommes inéluctablement
Une identité propre, comme moi, comme vous.
Les miens restent sans cesse ces petits bouts de vie,
Qui m’entravent les tripes, accaparent mon esprit
Ces deux rendez-vous d’automne au souvenir ravi.
Si je sors maintenant de cette douce torpeur
C’est pour mettre des mots sur ma nostalgie
Il est bon de parfois prendre de la hauteur
Pour tourner la page sur ceux qui sont partis.
Une mère partie trop tôt, un père trop vite.
Le manque n’existe que si l’on ne veut pas voir
Qu’ils vivent à travers nous de manière explicite,
Comme une parcelle d’un tout pour continuer l’histoire.
Poème posté le 20/01/17