L'Embâcle
par Roland
C’était une journée qui fleurait le dégoût
Sous un ciel gras couleur de lignite et de tourbe,
Fouettée d’un vent brutal, rageur, haineux et fourbe,
Raclant monts et vallées du Tarn et de l’Agout.
Le soir tombait en trimbalant maux et tracas,
Ses roses délavées et ses pleurs froids et rances,
Ses songes encrassés de suies et de souffrances,
Tandis que l’horizon roulait un grand fracas.
Alors il plut pendant des jours, pendant des nuits,
A verse pour tuer toutes envies de croire
Et d’espérer les joies de la Terre et sa gloire,
Dans un déchaînement de foudres et de bruits.
Le ru timide au flot malingre et maladif
Qui rampe à l’agonie lorsque l’été l’accable,
Happé par le rocher ou par le banc de sable,
Se transforme en torrent et devient agressif.
Voici les eaux du fleuve utile à tes travaux,
Hercule ! Tu pourras jouir de son passage,
Car rien ne restera de l’ancien paysage
Où de confus débris tissent leurs écheveaux !
En contemplant les eaux lourdes de sédiments,
Tu verras circuler les destinées humaines,
Les précaires objets des activités vaines
Accumulés dans un embâcle de tourments.
Et la tempête avait redoublé de fureur.
Le barrage céda emportant tous vestiges.
O mon âme affectée d'incurables vertiges,
Prends garde sur les bords du gouffre au crève-coeur !
Poème posté le 31/08/17