L'étang
par Rechab
C'est comme si les branches du saule, s'enroulaient dans mon reflet,
et le cheminement des rêves suit le chemin sournois de l'eau.
Elle paraît immobile dans la lente avancée des ombres, et on se demande
quelle est la part du solide et du liquide, tant elle semble faire bloc .
On ne peut pas la cerner ( il n'y a pas de centre ; on ne peut pas la saisir),
et de fait c'est bien ce néant - ou celui que je pense tel - qui me saisit .
Y a-t-il quelque part un fond, qui serait quelque part, tapi sous les lentilles vertes ?
Et quelle bête s'y cache, y progresse, et se joue des reflets de surface ?
Même le bord - ce qui se rattache à la terre ferme - se ramollit et s'envase,
et il est périllleux d'y risquer un pas.
Si je confie mes écrits aux collines, puis aux joncs qui bordent l'étang,
je crains la lente liquéfaction du corps et de l'esprit :
la succion de la terre où il n'y a plus de repères, d'endroits où s'accrocher.
seules , peut-être des racines aquatiques proliférant, mais qui pourraient
se refermer, à la façon des bras d'une pieuvre sur la victime qui leur est
dévolue : plante carnivore peut-être ...
L'immobilité renforce cette fascination : ce néant à proximité, juste caché
sous la surface. Une seule chose rompt l'envoûtement, c'est justement
l'eau sur l'eau : de grosses gouttes de l'orage qui s'approche, et qui
bousculent la platitude trompeuse de la mare, la somnolence des lentilles.
Il est temps de rentrer et de briser le cercle qui se refermait sur moi.
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RC
Poème posté le 15/06/17