J'avais mis dans ce sac tous mes chagrins d'enfant
Les peines retenues , cruelles et tenaces
Qui tout au fond du sac laissaient de sombres traces
Et ne s'effaçaient pas, perduraient dans le temps.
J'avais mis dans ce sac tant et tant de silences
Que la bride a cédé sous un poids bien trop lourd
Alors, j'ai dû chercher une bride en velours
Taillée pour l'occasion dans ma robe d'enfance .
Lorsque j'ouvrais mon sac au tissu trop râpé
Des plaintes et des cris s'échappaient de la toile :
Ils semblaient désirer rejoindre les étoiles
Mais je leur refusais cette ultime échappée.
J'ai tant et tant cousu ce vieux sac de misère
Que de mes mains meurtries le sang qui dégouttait
S'étalait peu à peu, noircissait les lisières
Et submergeait ma vie que la joie désertait
La douleur se creusait chaque jour un peu plus
Et ce sac écrasant meurtrissait mes épaules
Havresac du soldat ou sac à dos d'école
S'y entassaient sans fin les souvenirs déchus.
Il arriva qu'un jour, lasse de ce poids mort
Je déposai le sac et me mis à écrire
Sur ma bouche crispée, l'ébauche d'un sourire
Quand je vis, vers le ciel, les peines prendre essor...
Je ne les retins pas, je dis oui à la vie
Je trouvai dans mon cœur la force d'exister
D'une source bénie, vint la sérénité
Et mon sac se remplit de gaieté et d'envies !
Je n'enfouis plus au fond de ce sac alibi
Les horreurs, la terreur de les avoir vécues
Je les sors au grand jour, et je les évacue
Je quitte ma prison, je dis oui à la vie !
J'ai rebrodé mon sac aux couleurs de la joie
Cousu aux bords usés du satin, de la soie
Suspendu des grelots qui, du soir au matin
Parlent d'un ange aimé qui m'a tendu la main !
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Expérience toute personnelle : je traînais depuis trop longtemps les drames de mon enfance et seule l'écriture a su m'en délivrer.<br />
Il n'existait pas à l'époque de cellules psychologiques qui auraient pu m'aider à alléger ce sac bien trop lourd à mes épaules d'enfant !<br />
Et le chemin fut très long avec ce sac sur le dos !<br />
Dire oui à la vie malgré tout !