Hélas ... Il me faut préparer
Sans plus attendre ni tarder
Les mille-et-un plats d'un dîner ...
Je saisis une casserole,
Mais d'humeur fantasque et frivole,
Par la fenêtre elle s'envole !
Le saladier qui somnolait
Sur son étagère, en retrait,
Prétend danser le menuet !
Voici soudain que la spatule,
Se trouvant terne et ridicule,
S'en va tourner sur la pendule !
Entre les légumes tranchés
Et tous ces agrumes pressés,
Mes dix doigts se sont enrhumés !
Les épices, les aromates
Eternuent parmi les tomates
Dont les couleurs sont bien trop plates !
Qu'a donc la branche de cerfeuil
A faire soudain un clin d'œil
Au chat qui guette sur le seuil ?
Où diantre est passée la passoire ?
Je le demande à l'écumoire,
Mais elle a des trous de mémoire !
Le buffet chante un opéra
D'un timbre léger de castrat,
Pour la fourchette posée là !
Et c'est une élégante tasse
Qui lance d'une voix de basse :
"Du calme, sinon je me casse !"
La louche siffle la mi-temps
Et les couvercles turbulents
Se disputent la clef des champs !
Quelle est donc cette ronde folle,
Plus vive qu'une farandole,
Où tout s'ébranle, où tout s'affole ?
C'est ce vieux farceur de couteau
Qui fait la cour au pichet d'eau
Sur un rythme de flamenco !
Peut-il se voir audace pire
Que celle de la poêle à frire?
Car c'est de moi qu'elle ose rire !
C'est dit ! Je rends mon tablier,
Il serait bien vain d'essayer
De cuisiner ! Ils ont gagné.
Je romps avec ces artifices,
Sortilèges et maléfices !
Je rejoins les Muses propices ...
Un clin d'œil (signé le chat ?) à tous ceux qui, comme moi, prisent peu la compagnie des fourneaux ...<br />
Fantaisie vaguement inspirée de 'L'enfant et les sortilèges", texte de Colette, musique de Maurice Ravel<br />