S'il faut, je t'aimerai...
par Dom1
je haïs le chef du camp<br>
qui figeait nos élans<br>
nos petits jeux d’enfants<br>
nous étions innocents<br>
et tu nous as flétris<br>
nos soleils rabougris<br>
nos rêves endormis<br>
nos rires ramollis<br>
pris dans ton ghetto<br>
comme dans un lasso<br>
attachés aux poteaux<br>
des portes du cachot<br>
une étoile de tristesse<br>
recousue sur la laisse<br>
<br>
je vomis ta sueur<br>
<br>
les fleuves de rancœur<br>
tout l’acide de mon corps<br>
qui coulent de tous mes pores<br>
mes écrits inaudibles<br>
qui ne sont pas visibles<br>
prisonniers de ta fable<br>
qui salit tout mon sable<br>
un pied pris dans ton sang<br>
l’autre figé dans les rangs<br>
mordu par les tourments<br>
<br>
je chie tous ces moments<br>
<br>
je crache sur ton linceul<br>
je pisse sur ton orgueil<br>
pour faire vivre les ronces<br>
afin qu’elles défoncent<br>
ta planche de salut<br>
que tu as répandue<br>
je burine ta pierre tombale<br>
pour effacer ton mâle<br>
pour briser sa rondeur<br>
pour calmer ma douleur<br>
pour oublier ton vin<br>
qui coulait sur le pain<br>
comme la crue d’une rivière<br>
<br>
je te déteste père<br>
<br>
si tu m’avais violé<br>
j’aurais pu expliquer<br>
on aurait pu parler<br>
peut-être pardonner<br>
mais tu as fait pire que ça<br>
aucun juge ne pourra<br>
tu as tué ma joie<br>
de tes coups de tes doigts<br>
des cris de ta folie<br>
de tes frasques aigris<br>
tu as gelé ma vie<br>
<br>
tu m’as terré vivant<br>
<br>
sans jamais prendre de gants<br>
tes yeux qui m’excluaient<br>
comme un rien moins que chien<br>
et j’en crevais de faim<br>
tes yeux qui me visaient<br>
animal apeuré<br>
tes yeux qui fredonnaient<br>
jamais je t’aimerai<br>
parce que je n’aime que rien<br>
et j’en crevais de fin<br>
<br>
je te déteste père<br>
<br>
parce que je désespère<br>
malgré ta négation<br>
et ta disparition<br>
pourquoi me fais tu ça<br>
même mort tu es là<br>
dans chacun des mes pas<br>
dans chaque repas du soir<br>
chaque reflet du miroir<br>
dans le rond de ces yeux<br>
qui percent mes aveux<br>
qui pénètrent mes viscères<br>
qui caressent mes vipères<br>
<br>
regard inquisiteur<br>
<br>
qui me suit à toute heure<br>
qui coule dans mon sang<br>
pour le rendre puant<br>
regard de moribond<br>
qui noircit les chansons<br>
qui fige les effusions<br>
qui frustrent les passions<br>
même lumière éteinte<br>
tu ris de mes étreintes<br>
tu vomis sur mon sexe<br>
pour qu’elle devienne une ex<br>
tu es encore vivant<br>
<br>
laisse moi sortir du camp<br>
<br>
je te demande encore<br>
encore encore encore<br>
laisse moi enfin partir<br>
sur la route des martyrs<br>
sur le chemin des damnés<br>
ce n’est pas compliqué<br>
j’abaisserai le loquet<br>
puis j’écrirai fermé<br>
s’il faut je serai dernier<br>
s’il faut je t’aimerai<br>
s’il le faut je promets<br>
<br>
rends moi la liberté<br>
<br>
sinon je vais rester<br>
tu le sais tu le sais<br>
je recherche la force<br>
dans mon corps qui divorce<br>
laisse moi devenir<br>
un simple petit sourire<br>
je t’en prie à genoux<br>
laisse moi battre le pouls<br>
je range mon épée<br>
mes cendres sont dispersées<br>
ta cigarette roulée<br>
a trop souvent fumé<br>
<br>
s’il te plaît s’il te plaît<br>
<br>
laisse moi m’envoler<br>
pour ces quelques années<br>
rejoindre les papillons<br>
la route des saisons<br>
que la lune distribue<br>
comme si j’étais nu<br>
laisse moi prendre ce wagon<br>
le bonheur pour de bon<br>
pour une fois être à l’heure<br>
pour qu’il ne parte sans moi<br>
la gare est à deux pas<br>
s’il faut je pleurerai<br>
dans l’allée du cimetière<br>
où tu caches ta colère<br>
<br>
si tu fermais les yeux<br>
<br>
si tu disais adieux<br>
je ferais de mon mieux<br>
j’arroserais tes fleurs<br>
je peindrais ta couleur<br>
je sortirais ton chien<br>
j’écrirais de ta main<br>
j’apprendrais le latin<br>
je ne croirais qu’en rien<br>
<br>
si tu lâchais ma peau<br>
<br>
je tuerais les agneaux<br>
je soignerais les corbeaux<br>
je deviendrais kapo<br>
je ferais taire mes mots<br>
je rangerais le ballon<br>
je vivrais sous les ponts<br>
je souhaiterais la guerre<br>
je boirais de l’éther<br>
je détesterais l’été<br>
<br>
Papa laisse moi filer<br>
<br>
s’il faut tu seras beau<br>
je fixerai ta photo<br>
dans le couloir d’entrée<br>
chaque jour je saluerais<br>
chaque nuit j’éclairerais<br>
ton image immaculée<br>
j’en ferai une icône<br>
accrochée aux pylônes<br>
je crierai sur les toits<br>
que t’es devenu roi<br>
je ferai un concert<br>
de ton anniversaire<br>
<br>
s’il faut je serai laid<br>
<br>
en Inde je partirais<br>
pour aider la famine<br>
pour combler la vermine<br>
pour trucider l’ami<br>
pour installer la nuit<br>
je tuerai la pitié<br>
de ces corps décharnés<br>
j’activerai les bombes<br>
je serai hécatombe<br>
j’égorgerai l’enfant<br>
je briserai la maman<br>
tu seras fier de moi<br>
je serai un crachat<br>
<br>
je t ‘en prie libère moi<br>
<br>
s’il te plaît s’il te plaît<br>
s’il le faut je promets<br>
<br>
s’il faut je t’aimerai<br>
Poème posté le 03/07/08