Fons amorosa
par Lasource
Tant de promesses que l'on se fait au son
de l'accordéon dans la nuit tiède et mauve
de juin... Tant de promesses à nous-mêmes
qui ne seront jamais tenues. Car souvent
dans notre imprudence étourdie, que le
champagne du bonheur exagère à l'occasion,
ce que nous nous promettons dépasse les forces
d'un être humain, fût-il de la trempe de ces héros
dont sont exclusivement composées les distributions
des romans, sitcoms et pièces de théâtre populaires.
Vers toi, pourtant, Aïlenn, par les épissures du songe
et les sentiers les plus divers, ainsi que des brebis
en transhumance qu'attirent l'altitude pure et le vertige
des sommets, toutes mes pensées s'acheminaient.
.
Une hâte les emportait vers un éden couvert de fleurs
et d'herbes ondoyantes qui, usant de la vivacité
de milliers d'insectes sauvages, leur bourdonneraient
à hauteur d'oreille, imperceptible, immense, un psaume
divin de louanges, une sorte de plain-chant
relayé jusqu'aux plus reculés des étoilés confins
par les vibrantes rémiges des séraphins...
Et cette musique des sphères s'intensifiait quand j'étais
près de toi, si bien que le printemps, pour n'être pas en reste,
entreprenait l'annuel ravalement des arbres :
du coin de l'oeil,
je le voyais, montant par des échelles de soleil, s'installer
sur de hauts échafaudages d'ombre et se mettre à repeindre
feuille à feuille les futaies des Tuileries, sous les regards
intéressés des statues dévêtues et des promeneurs habillés.
Main dans la main, nous avancions par les allées, légers
comme des gens qui auraient retrouvé le chemin du Jardin
et découvert que l'Ange dont l'épée laser interdisait d'entrer
avait déserté sa guérite, ayant sans doute, au siècle de Dark
Vador, à fouetter bien d'autres démons plus inquiétants
que quelques couples d'amoureux en liberté.
Parfois, pour un
baiser, tu t'adossais à l'un des troncs, ta chevelure blonde
ruisselant contre l'écorce, et restais les paupières closes,
le temps que la lumière se fasse couleur de rêve. Quand tu
r'ouvrais les yeux, une folle gaieté s'emparait de la réalité :
un parfum de vanille affluait de partout, le Louvre au loin
prenait des tons mordorés, les nuages, ce flou rose et sucré
de la barbe-à-papa dont les bambins raffolent. Les pelouses,
les fontaines, le gravier, rayonnaient d'une espèce de lucidité
intérieure. Comme si, d'aimer, nous avions tiré, telle une eau
délicieusement fraîche du fond d'un puits longtemps oublié,
la confiante vision de l'enfant que nous fûmes.
Un printemps aussi...
Poème posté le 13/11/09