"Ne regarde pas vers le passé", disait-elle.
La neige d'autrefois
émerveillait le paysage,
enguirlandait les arbres des collines .
"Ne regarde pas..." - Le vent pleure sur le pont des bateaux
et feint de s'en aller avec eux de l'autre côté du monde .
Mais le vent n'est pas comme nous. Il ne s'attache à rien ;
il n'a quitté personne sur les chemins bordés d'aubépine
du passé, il tourne avec aube et crépuscule, et pour lui
c'est toujours le présent : pas de vieilles photographies
d'envols bougés de pigeons sur les quais mouillés, dans la lu-
mière jaune, pas de visages enfants, de vieux visages aimés
jeunes encore, avec sur le corps cette jeunesse des seins nus
que palpe l'azur frissonnant de la vague, l'ombre intime et le
soleil qui broute les fleurs du soleil
entre les genoux des rochers,
ni de chansons d'automne avec séparations
et coeurs déchirés.
"Ne regarde pas !" Ni le tout jeune enfant
parmi les abeilles des roses
ni l'amoureux des saules qui s'écartent comme des cheveux,
ni le joueur de flûte près du ciel quand le flou des nuages
se mêle au flou des hautes herbes où se roulent les amants .
Il y a trop longtemps . "Ne regarde donc pas vers le passé !"
disait-elle . "Rien ne reste désormais
de tant de rêves que tu fus ."