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Posté à 13h33 le 29 Oct 19
La langue française regorge d’expressions populaires que nous utilisons quotidiennement.
De bouche(s) à oreille(s), certaines d’entre elles se sont vues, au fil du temps, déformées tandis que la formulation d’autres n’a pas suivi l’évolution des mots qui la composaient, au point d’en parfois changer le sens ou de ne pas nous les rendre totalement compréhensibles.
"Fier comme un pou", en voilà une expression intrigante.
Difficile, en effet, d'imaginer que le parasite, que l'on dit par ailleurs laid, soit, à ce point, symbole de fierté.
A une époque où les bestioles arpentaient, de long en large, le cuir chevelu de ma fille et où les jeux de mots commençaient à me démanger aussi, je trouvais plus imagé de dire "crâneur comme un pou".
Plus tard, me grattant un peu plus la tête, j'apprenais que l'expression d'origine était "Fier comme un pouil" et que le "pouil" en question n’était, ni plus ni moins, qu’un "petit coq".
Manque de pot, à l’époque, le "pouil" à plumes avait une bête homonyme : le "pouil" à antennes. Il ne s'en fallait donc pas plus d'un cheveu de plus pour qu'il y ait confusion.
Par la suite, le "pouil" gallinacé disparaissait du langage au profit d'autres dérivés (dont, en autres, "poulet") tandis le "pouil", de nature plus teigneuse, résistait rendant sa mutation en "pou" un peu plus lente.
Voilà donc comment on est passé du coq au pou.
Pour ce qui est de "passer du coq à l’âne", c’est une autre histoire que je vous raconterai une prochaine fois.
En attendant, dites-nous donc de quelles expressions vous usez (voire abusez), quelles sont celles qui vous amusent, quelles sont celles qui vous laissent perplexes ?
Au plaisir de vous lire...
PS :
Je ne saurais que vous recommander de lire "La puce à l'oreille" de Claude Duneton, excellent bréviaire sur le sujet
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Posté à 15h26 le 29 Oct 19
"... rendant sa mutation en "pou" un peu plus lente."
merci pour ce bon moment :)
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Posté à 15h28 le 29 Oct 19
Merci pour ce morceau de culture.
Moi, j'aime bien utiliser les expressions suivantes :
- péril en la demeure, considérant qu'il ne s'agit pas de logement mais du risque à demeurer en l'état;
- un poids, deux mesures, étant entendu qu'on a une même situation et deux manières de la juger;
- ne pas faire long feu, autrement dit aboutir (l'origine de l'expression est militaire, qui signifie que si une mèche fait long feu, c'est-à-dire si elle ne va pas jusqu'au bout, il ne se produira rien d'explosif).
Cela écrit, je lirais avec la plus grande attention des explications plus détaillées voire contradictoires là-dessus.
Merci encore pour cette initiative et à ce plaisir
Ce message a été édité - le 29-10-2019 à 15:31 par Hicvelibi
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Posté à 17h13 le 29 Oct 19
Bravo pour ce topic original et instructif qui devrait faire un tabac auprès des chroniqueurs amateurs que nous sommes.
Ci-après un texte écrit il y a quelques années dans le cadre d’un concours avec des amies francophones où il s’agissait de caser le plus grand nombre possible d’expressions populaires.
Les copines avaient trouvé mon histoire pas piquée des hannetons !
Fantasia potagère
Je me dois de vous raconter cette aventure qui m'est arrivée hier soir. C’était la guigne, jugez plutôt :
Mon p’tit brin de muguet, prunelle de mes yeux, me propose d’aller au ciné. Cette idée me laisse mi-figue, mi-raisin. Mais comme je suis bonne poire, je finis par accepter. Pendant la séance, elle avait la pêche. Moi, je me faisais plutôt du mouron. Parce que bien entendu, j’avais fait chou blanc pour garer ma coccinelle, laissée en double file. Ah j’aurais mieux fait d’emmener ma pimprenelle au vert, m’allonger peinard avec elle au ras des pâquerettes pour lui compter fleurette et goûter ses melons. Enfin ! Je ne pouvais quand même pas l’envoyer sur les prunes.…
A peine sortis du cinoche, qu’est-ce que je vois : une aubergine en train de me coller un papillon. La fin des haricots !
Je sens la moutarde me monter au nez. Pour qui elle se prend cette courge, elle a rien dans le p’tit pois ? Elle va se ramasser une châtaigne. Non mais, faut quand même pas pousser Mémé dans les orties !
Mais déjà elle appelle au secours. Les poulets accourent pour ne cueillir comme une fleur et m’emmener au poste dans leur panier à salade. Là, je suis obligé de faire le poireau un bon moment avec un tas de poivrots et de morues. On est serrés comme des asperges, tous à filer du mauvais coton. En plus, ça sent pas la rose dans l’coin. Malgré mes protestations, le planton de service ne veut rien savoir. Tiens il est beau celui-là : rouge comme une tomate, les oreilles en feuilles de chou, le nez en patate. Il glapit : « D’abord l’oseille, ensuite on te relâche ». Mais comment faire ? Je n’ai plus un radis. Cette fois, les carottes sont cuites.
Tout d’un coup ma poulette ramène sa fraise, blanche comme une endive. Ses beaux yeux noisette sont pleins de larmes et elle tremble comme une feuille.
« Coucou, c’est moi ! Je me suis fait du souci quand ces cornichons t’ont embarqué. J’ai failli tomber dans les pommes. Tu as beau être un cœur d’artichaut, je t’aime quand même. Tu peux compter sur moi pour tirer les marrons du feu. Mais ta bêtise va nous coûter pas mal de blé. Enfin, ça leur mettra du beurre dans les épinards ! Bon, je paie et après on rentre au bercail. On va finir la soirée aux petits oignons »
Tout est bien qui finit bien me direz-vous.
Des nèfles !
Le film, c’était un vrai navet
Et en plus, on y a laissé un de ces trèfles !
La prochaine fois, je l’emmène à une rave partie
On va pas se casser le citron ! Pis au moins, c’est gratuit !
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Posté à 18h02 le 29 Oct 19
C'est du nanan c'histoire.
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Posté à 18h41 le 29 Oct 19
Quelle histoire ! ça me fait penser au rapport nature culture, exprimé dans ces deux sonnets dont je vous souhaite bonne réception (des textes que, comme ceux dédiés à Gérard GENETTE, je republierai en rubrique Poésie libre)
De la nature et de la culture
Ce matin suis allé désherber ma parcelle
Demain à pleine main des saveurs de l'automne
Je la reparerai car point ne l'abandonne
Puis mon petit chemin vers terre culturelle
Bonhomme ai poursuivi pour une conférence
Où il était question de société des plantes
A certain c'est un peu une expression troublante
C'est en tout cas un champ qui voit pousser semence
Métaphore oxymore le débat a fleuri
D'autres essences aussi verte est cette prairie
Alors viens me brancher au lierre de ces feuilles
Ce site où je pique des graines ordonnées
Vois fleurs hume jasmin et gracieux chèvrefeuille
De jardiniers des mots et leur tendre sonnet
De la nature et de la culture, suite
Je voudrais à présent sous ce soleil d'automne
Souligner ces deux mots par là considérer
Qu'une population pourra les repérer
Comme catégories distinctes et autonomes
Des mondes côte-à-côte qui pourtant se pénètrent
On entend tous les jours de vertes métaphores
Tel est grosse légume ceci de café fort
Quand d'autres groupes humains les lient et en font naître
Des représentations des schémas des modèles
De penser et d'agir qui ces univers mêlent
Où de nos yeux voyons forme d'écologie
Aujourd'hui à cours d'eau on peut donner des droits
Nature et culture ou bio- et sociologie
Défi à tous les sens que des liens si étroits
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Posté à 23h34 le 29 Oct 19
C'est de l'engrais culturel, ce double sonnet naturel !.
Sauf - de l'avis d'une jardinière-botaniste- le LIERRE
non seulement un parasite envahissant, mais aux baies nocives..
Peu recommandé, donc, à moins de s'appeler Juliette et d'attendre la visite vespérale d'un Roméo utilisant ce genre d'échelle végétale pour grimper au balcon !
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Posté à 11h48 le 30 Oct 19
Ah, j'en prends de la graine :)
Le choix du lierre est pour son effet visuel mais il est aussi vrai, comme écrivait l'autre à propos de la glose, que le chêne ploie parfois sous le poids d'un lierre avide
Même salutation manuelle !
Ce message a été édité - le 31-10-2019 à 10:53 par Hicvelibi
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Posté à 11h46 le 02 Nov 19
Vous avez, Domenica, le rire de bon cœur particulièrement communicatif. Son éclat m’a enchantée.
J’ai dévoré des yeux, votre fantasia potagère, Oxalys. Je suppose qu’elle a fait florès.
Comme le dit Obofix - que je remercie de m’avoir appris l’expression "C’est du nanan" que je ne connaissais pas - c’est un délice !
J’ai beaucoup aimé, aussi, les sonnets d’Hicvelibi en écho.
Hicvelibi, avec "peril en la demeure", en redonnant l’exact sens d’origine au mot "demeure"vous illustrez parfaitement combien certaines expressions ont peu être mal entendues.
Je crois que c’est "faire long feu" qui est emprunté au domaine des armes et qui est synonyme de non aboutissement, d’échec.
Pour ce qui est de "ne pas faire long feu" (qui n’est en rien le contraire de la précédente expression), cela se réfère au feu d’une manière générale et induit donc la notion de rapidité.
Je crois que l’expression exacte est "Deux poids, deux mesures".
Ce qui signifierait pouvoir approuver deux avis différents sur une même chose ou bien ne pas avoir d’avis tranché sur la question et ne pas vouloir heurter ses interlocuteurs.
Au titre de la première hypothèse, certains linguistes pensent que l’expression "Un poids, deux mesures" serait plus appropriée.
D’autres rappellent que, dans son édition de 1832, le le Dictionnaire de l’Académie Française (1832) fait état de "changer de poids et de mesure" voulant signifier que , selon le type de chose, soit on la pèse, soit on la mesure. Ainsi donc, "deux poids, deux mesures" signifierait, tout simplement, deux manières de juger ou de mesurer différentes.
En tous cas, un grand merci à vous quatre d’être passé par ici.
J’ai eu grand plaisir à vous lire…
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Posté à 16h12 le 02 Nov 19
C'est un long et beau dernier message.
Tu as très certainement raison sur la question de faire ou ne pas faire long feu, pensant même que si j'avais expliqué faire long feu, je n'y aurais vu que la même chose :).
Pour les poids et les mesures, c'est le simple bon sens qui parle par ma bouche mais peut-être vaut-il mieux que je m'en méfie.
Merci en tout cas pour cet apport lumineux, aux autres également pour leur non moins brillante contribution, ça donne envie d'écrire des poèmes tout ça !
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Posté à 22h46 le 02 Nov 19
Merci pour ce beau topic, très agréable à lire...
Pour ma part, juste une petite expression qui m'amuse :
"Celui-là il n'attache pas son chien avec des saucisses"
pour parler d'une personne avare...
Souvenir d'un ami qui nous a sorti cette expression venue de nulle part...
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Posté à 23h10 le 02 Nov 19
Je reviens sur l’expression « c’est pas piqué des hannetons » aussi amusante que logique.
Autrefois on disait qu’un tissu n’était pas piqué des vers quand il avait l’aspect du neuf, épargné par les insectes et leurs larves qui le rongeaient. C’est pas piqué des hannetons est apparu dans le même ordre d'idée et signifie qu’une chose est particulièrement réussie ou en bon état.
cf. "Les expressions de nos grands-mères" par Marianne Tillier
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Posté à 23h16 le 04 Nov 19
Merci, Hicvelibi !
Oui, tout cela incite à écrire et me conforte dans l’idée que le partage des mots et de leur histoire est essentiel.
Merci, Rickways !
Oui, cet échange est très sympathique et fort enrichissant.
Je n’avais, jusqu’à ce jour, jamais entendu l’expression "Celui-là il n'attache pas son chien avec des saucisses".
Alors, je suis allée chercher d’où elle venait.
Elle est tout droit sortie du 19è siècle et symbolise une personne près de ses sous.
En effet, il est inconcevable, pour un avare, de mettre une laisse en saucisses à son chien sachant que, inévitablement, ce dernier la mangerait et qu’il faudrait en racheter une autre.
Dans un sens plus général, cette expression signifie l’impossibilité, pour une personne pingre, d’acheter quelque chose d’éphémère.
Il est d’autres expressions au sens similaire à celle-ci :
"Ne pas oser cracher de peur d’avoir soif",
"Avoir des écus moisis",
"Crier famine devant un tas de blé",
Merci, Oxalys !
Oui, l’expression "Pas piqué des hannetons" est amusante.
Postérieure à sa cousine "Pas piqué des vers", il me semble qu’on peut aussi utiliser pour parler d’une situation exceptionnelle tout autant que signifier un langage vert.
Merci encore à vous tous et au plaisir...
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Posté à 06h36 le 05 Nov 19
Toutes ces expressions sont à mourir de rire, en plus d'être intéressantes quant à leur origine.
Souvent "absurdes", comme par ex "couper l'herbe sous le pied", et pourtant suffisamment imagées pour qu'on les comprenne (encore que pas toujours :)
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Posté à 19h14 le 05 Nov 19
Bonjour Domenica !
Tu as raison, certaines expressions sont à "mourir de rire" et/ou "absurdes".
Celle dont tu parles m’a, longtemps, parue incongrue parce que l’herbe à couper m’évoquait le gazon.
En y regardant de plus près, j’ai appris que, autrefois, on entendait par herbe toutes les plantes dont les feuilles étaient consommables, puis, par la suite, tous les légumes et autres salades.
"Couper l’herbe sous le pied" signifiait donc : priver quelqu’un de ses moyens de subsistance.
Pour ce dire, aujourd’hui, on utilise l’expression "Couper les vivres".
"Couper l’herbe sous le pied" est, désormais employé pour signifier devancer quelqu’un, entre autres, dans l’obtention d’un avantage.
Autre expression qui a perdu son sens originel est : "Qui dort dîne".
De nos jours, elle est souvent interprétée comme le fait que le sommeil fait office de repas..
Il semblerait, en fait, qu’elle nous vienne du Moyen-âge, à l’époque où, pour pouvoir dormir dans une auberge, il fallait impérativement y manger.
Merci, en tout cas, Domenica d’avoir refait halte ici.
Au plaisir...
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