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Auteurs Messages

Ancienmembre
Membre
Messages : 395


Posté à 13h24 le 05 May 20

Femmes, hommes, humains,

A vous j’écris, dans ce désert de tout, désert de moi même, dans ce vide immense. Dans l’absence de toute vie, je me retrouve miroitée, et face au visage de ceux qui sont passés, je renais. Comme un miroir qui me renvoie ma propre image, je redécouvre celle que je n’aurais jamais dû quitter. Dans un hiver inconnu, au milieu des terres épurées, tout se réduit à rien, et cette absence de tout ce que je croyais si nécessaire me plait. Sans ces murs et briques, vides de sens, qui m'entouraient depuis ma naissance, je m’offre une liberté déconcertante.

Je suis presque perdue dans cette liberté trop nouvelle, cet infini que l’éloignement m’offre. Loin de ces habitats trop communs, où l’on nous enferme comme des prisons sans que l’on proteste, loin de nos usages et flots de paroles inavouées et inutiles, apparaît la vie. Il me semble ici avoir trouvé le bien le plus précieux, celui que tant cherchent et que si peu possèdent, la joie d’être seulement présente à ce moment, vivante, pleinement. Joie de respirer cet air glacial, joie d’être éblouie et rendue aveugle par les reflets de la neige qui recouvre tout, joie de vivre, simplement. Il est fascinant de voir comment mon corps entier retrouve l’extase de vivre en symbiose avec cette Terre.
Comme s’il retrouvait un vieil ami, chaque soupir qu’il pousse fait s’élever un nuage de vapeur, comme pour signaler ma présence, comme pour me souhaiter la bienvenue. Seule, seule, mais si bien entourée.

Le monde entier s’ouvre à moi, me tend les bras, et il me semble que ma singularité renaît elle aussi. Comme ce petit nuage que je formais par mon seul souffle, tout me rappelle que moi seule perturbe un calme absolu, une paix sans limites. Tout me montre l’immense perplexité de mon être, et fait réapparaître à mes yeux ces détails qui, dans mon ancienne vie, n'existaient même pas. Chaque pas que je fais dans cette neige compacte reste gravé au sol, comme une mémoire vivante de mon passage. Être ailleurs me rappelle ce que j’étais ici, avant de partir. Cela me rappelle que je ‘n'étais rien, dans trop de choses, que je ne pensais pas, on me donnait des vérités. C’est ce que j’aime dans ce vide immense. Tout est blanc, pur et sans tache. La main de l’homme n’y est pas encore passée, ou du moins, ce que l’on appelle la civilisation. Ici, je crée ce qui est à vivre, et chaque instant est à la fois entre mes mains et totalement imprévisible. L’air que je respire me dirige, l’étendue immaculée m'attire, et les arbres me guident entre eux sans un mot. Je suis la créatrice de mon chemin, sans inventer quoi que ce soit.

Pourtant, les ronces s’enfoncent déjà dans mes pieds gelés, et le froid mord mes membres. Aux limites du vivable, je souffre en silence, et comprend l'essentiel. La douleur n’est pas grave, elle ne m’affaiblit pas. Elle n’a aucune emprise son mon intérieur, et ma force vient de là. La Nature calme peut me polir, et adoucir les contours de ce caractère trop peu conciliant, elle forme aussi par les souffrances qu’elle m’inflige une puissance insoupçonnable. Comme une écorce imperméable, je dois apprendre à me protéger des mots, des sons et des signes néfastes à moi même. Mais je ne veux pas redevenir celle que j’ai laissé en ville. Cette femme immonde qui ne voyais jamais le moindre soleil, à sa portée, ni le moindre vieillard, sur le bord du chemin. La carapace forgée autour d’elle par son indifférence la rendait aveugle, au delà d’elle même. Désormais, je suis moi même, et une nouvelle femme, un être que je ne reconnaîtrais pas si je ne l’avais inventée, en concert avec l'Arctique. Ainsi est née de moi une femme. Elle a appris à être forte, ce qui ne veut pas dire qu’elle le sera toujours. Le ciel du Nord pleure aussi, parfois, et ses larmes roulent sur une Terre déjà trop humide. En caressant de mes pas sa surface, j’ai pensé la consoler, la réconforter, lui dire sans un mot l’amour que je lui portait. Cette femme, je l’espère, sera moi même.
La solitude seule, a formé une nouvelle femme. Ses habitants, eux, vont former un nouvel être. Au delà des apparences, au delà des visages imperturbables se cache un précieux sentiment. Celui d’une humanité retrouvée. Dans ces pays trop peuplés que j’ai toujours connu, ces visages constants et virtuels pour la plupart me donnaient envie de fuir. Et c’est ce que j’ai fait. La solitude m’a redonné envie de voir les hommes, de les apprendre, de les comprendre, sans jamais violer leurs mystères. Ici, le froid vous gèle le coeur et les membres, mais la chaleur humaine des habitants fait soudain fondre la glace. De leur simple sourire, le matin enneigé et la marche gelée avaient disparus. Il ne restait dans mes yeux que les pépites magiques de neige que j’avais vu voler à l’horizon, et les images peintes dans mon esprit par ces moments hors du temps. Je n’avais ni montre, ni carte, ni boussole, et pourtant, je savais mieux que jamais où j’étais dans mon existence, et quand. J’étais en vie, peut être sur Terre, ou pas, qui sait? J’étais un être humain, capable de joies et de don, un être rené de ses cendres, un être plus vivant que jamais. Alors, quand la nuit vient, je rentre avec mes hôtes dans leurs habitants minuscules, et je comprends soudain cette envie d’immensité.
Ces refuges minuscules formés de blocs de glace rassemblent plus que jamais, et la chaleur montre alors en ces lieux glacials. L’union des hommes autour d’un feu, leur rires et leur chants s’élèvent, et créent ensemble une harmonie de couleur qui m’étais inconnue.
Un parfum de renouveau, de liberté, une valeur que je pensais perdue à jamais au fond des abîmes. Pourtant, lorsque nous sortons quelques instant, les verts et les bleus se mêlent aux cieux, et chantent en chœur pour nous la beauté de se rassembler. Leurs formes indescriptibles nous enchante, nous éblouit et sans un mot, nous respirons les moments d’éternité que nous offre la banquise ce soir. Quand la musique des aurores boréales s'arrête, la voix lactée commence alors son morceaux. Les lumières, une à une, se laissent d’abord chacune le temps se s’allumer, avant de s’accorder pour briller dans le même concert.
Main dans la main, les hommes se rassemblent, et je me retrouve sans m’en rendre compte dans leur cercle.
Les mots sont précieux, ils me l’ont aussi appris. Le visage parle tellement, si fort, si bien, qu’il ne sert parfois à rien de formuler des phrases. Moi qui ai tant entendu de paroles vides de sens, ce silence recueilli me soulage, et j’entends dans leurs yeux les légendes de la nuit. Leurs étoiles sont leurs ancêtres, et la lune, qui les protège, leur fera grâce ces saisons. Chaque mot qui sort des lèvres gercées par le vent de l’ancien est un torrent reversant mes certitudes, et parfois, la sagesse immuable de ses lèvres closes assourdit mes oreilles, dans un plaisir que j’avais oublié, ou peut être même jamais connu. Ecouter l’Autre. Ici, chacun s'épanouit dans la liberté offerte par l’espace, et par l’absence de concurrence. On devient qui l’on est, et je suis devenue nouvelle. Une femme que je ne reconnais plus, car elle a tant appris.

En écoutant le concert de l’Arctique, et en prêtant l’oreille à ses accords presque parfaits, je ne me suis pas transformée. Je suis restée moi même, ou plutôt devenue vraiment la femme libre d’elle même dont je rêvais. Mais ce n’est pas la société libertaire où elle est née qui l’a formée, c’est un cadre nouveau, une absence de tout, et une musique des profondeurs de l’âme, si bien interprétée. Dans le vide de tout, j’ai découvert l’humanité retrouvée, et pour trouver un sens, je suis partie loin de ceux qui croyaient le posséder.


Domenica
Membre
Messages : 346


Posté à 07h59 le 06 May 20

Belle lecture pour moi Claire..
plein de choses...
"la douleur n'est pas grave", qui me reste
et tant d'autres..

Salut


Ancienmembre
Membre
Messages : 395


Posté à 11h24 le 06 May 20

Je suis heureuse de voir que cela te plait Domenica!! Mes textes sont peu lus et commentés, et cela me fait donc très plaisir que tu aie pris la peine de la faire!! Sourire merci à toi!


Pierre
Membre
Messages : 6469


Posté à 09h17 le 07 May 20

Je viens de commencer ma lecture. Est-il correct d'écrire "je me retrouve Miroitée"?


Ancienmembre
Membre
Messages : 395


Posté à 17h04 le 07 May 20

Je n'y vois personnellement pas d'inconvénient... clindoeil


Pierre
Membre
Messages : 6469


Posté à 17h16 le 07 May 20

Bon… si tu le dis. cool


Jean-Mi
Membre
Messages : 1453


Posté à 23h28 le 16 May 20

Claire,

J’ai lu.
Ton texte m’a plu… c’est une belle leçon.
Mais attention aux fautes, nous nous devons d’être attentifs sur un site de partage d’écritures :
« couleur qui m’étais(T) inconnue. », « Leurs formes indescriptibles nous enchante(NT), nous ébloui(SSEN)t, « celle que j’ai laissé(E) en ville », « Cette femme immonde qui ne voyai(T)s) »…

Prends le temps de relire, prends le temps car la lecture se trouve cassée quand il y a des fautes. Prends le temps d’offrir des écrits impeccables… d’autant que c’est « A vous j’écris, ».
« Comme un miroir qui me renvoie ma propre image » : c’est le propre du miroir !
« où l’on nous enferme comme (DANS) des prisons » ?

Jean-Mi

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