Vous avez besoin, beau sire, de la multitude des riens, comme moi, laquelle constitue le gros tas, qui vous alimente. Vous tenterez soit de m'exclure, soit de me vendre - c'est à dire, contraindre d'acheter sous peine d'exclusion - votre protection, comme tout bon maffieu qui se respecte. Vous pouvez vous brosser, je ne dépends pas assez des signes extérieurs du succès pour accepter vos licous. Je n'ai nulle image à donner soit aux abrutis, soit à vos semblables, pour moi deux ensembles congruents. Nous ne sommes rien l'un pour l'autre à un détail près : qui a besoin de l'autre ?
Pour vous adonner à la fauconnerie, vous dépendez, beau sire, des petites gens, ces bouseux, chargés des basses œuvres. Je vous laisse la cervelle d'oiseau contre le foie du lapin guérisseur. Car, malgré le numérique, il vous faut encore des automates de haut niveau, ou petites mains d'aujourd'hui, exécutants conformes au cahier des charges éducatif, normalisés, aseptisés, au vif influx nerveux, au cerveau évidé, les béats, ces valets de niveau intermédiaire, heureux de l'être.
Vos ancêtres exploitaient les pays étrangers (on est toujours l'étranger d'un autre), peuplés de sauvages, assez proches du singe pour que votre conscience dorme en paix. Dormez en paix, ô mon bon roi, le peuple est sous le joug. Comme la planète est sphérique, il ne vous est plus possible d'aller au-delà des frontières piller les barbares, le pillage étant le fondement de l'économie. Vous découvrez l'inexistence des marchés extérieurs. Vous êtes un peu lent à la détente, depuis le temps que c'est évident... au moins 1492 !
Désormais, que nul mur berlinois n'est à abattre, seul demeure un marché unique nécessairement intérieur, en conséquence de quoi, vous ne pouvez piller que les peuples dont vous avez charge de protection. Le roi n'est plus un père, juste un ogre, moins Zeus que Cronos. Démerdez-vous avec cette régression ! N'ayez crainte, assumez ce coup d’État formellement régulier, vos anciens, absents, d'aucun trouble ne souffriront, dans l'incapacité qu'ils sont de vous voir appliquer l'adage : la conscience est bonne pour les autres. Autrement dit, pour parodier l'un des vôtres : la conscience n'engage que ceux en ayant une.
Quand les peuples auront disparu, que seuls quelques transpucés hémophiles et blafards, lisses et beaux comme des cruches, persisteront, vous ne saurez même plus ce qu'aura été l'intelligence ; il vous restera l'autophagie.
Je suis, mon sire, comme tout autre gueux, ce très humble franc de naissance, qui ne vous doit aucun respect.

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Ce message a été édité - le 27-03-2021 à 22:22 par Jim