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Auteurs Messages

Salus
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Messages : 6898


Posté à 20h00 le 21 Feb 17

Vous pensiez consommer un produit frais, mais « les gloses » sont une resucée (pouah !), elles ont paru dans un triste site dont j'ai oublié jusqu'au nom...
Ceci, et une interruption dans la publication de la rubrique, expliquent le texte ci-après qui peut être rigolo, et que je laisserai donc intact, pourquoi pas ?

Glose N° 22

22 !


‘Ttention, les gars, rev’là les gloses !
A ces langages châtiés
J’y perdrai des Latins entiers !
(Les Pouèts sont tous de sales gosses)


- Rhmm ! (Toussote, toussote !…)

Le temps, comme à toutes et à tous, m’étant compté, j’ai, hélas, depuis longtemps laissé tomber mes « Gloses », élucubrations et autres fumeuses exégèses pleines de fautes d’orthographe, de réflexions tapageuses, et d’une chronologie parfois exacte, dont quelques rares courageux lecteurs se rappellent encore, éventuellement avec rage…

S’il m’en souvient, il y eut 21 numéros de ces réjouissantes inconséquences littéraires, composées au débotté, avec une régularité douteuse et une syntaxe approximative, et qui se sont perdus dans les commentaires de L’Impréhensible…
(Mais moi, tiens, pardi, j’ai tout sous la main)
Donc, je peux voir sans me gratter les neurones, que j’ai commencé avec Sappho, 700 ans avant notre ère, et que j’en était à Albert Samain, j’étais quasiment à la communale avec lui, il ferme, avec son parapluie, cette meurtrière poétique sur les immenses trésors littéraires du
19 éme siècle,
Puisque Samain décède élégamment pile en 1900….



°°°°°°°°°°°°°

Glose chaotique, accrochez vos ceintures !
(En rappelant la revendication de ces déclarations toutes subjectives, l’auteur se déclare prêt à se parjurer lâchement, si besoin est…)

Ouvrons le 20ème siècle à contre-courant et hors chronologie pour parler d’une forme poétique non répertoriée formellement comme telle, et qui apparaît en fait historiquement avec Homère (VIII ème siècle avant) : il s’agit du roman poétique, descendant des Odyssées et autres Iliades (de « Ilion » deuxième nom de Troie…), qui définissent le genre "épique"


Citons, pour éclairer le lecteur, quelques chefs-d’œuvre modernes de cet art difficile :
au 19 ème, les incontournables « Chants de Maldoror », qui, habilement lus, feront cauchemarder vos enfants et votre vieille et pieuse maman ! Certains passages s’envolent sur les ailes baroques d’une poésie grandiose (« Je te salue, vieil océan !)

Plus récents, d’une beauté soufflante et d’une portée émotionnelle rare, les deux sommets, à mon sens, de l’œuvre de Boris Vian : « L’Arrache-cœur » et « L’Écume des jours » dont on a fait un film qui ne peut qu’être une hérésie, je veux même pas voir le générique !

- La quasi-totalité des écrits de Colette, dont l’inintérêt, voire l’ennui des sujets par elle développés vient quasiment soutenir l’enivrante virtuosité de la forme, poétique, et oui, Claudel peut aller se rhabiller !

Autre exemple de roman poétique de haut vol, « Noces », et « L’Été », proses d’une grandeur lamartinienne, que nous devons au grand Albert Camus, qui excellait dans le prodigieux exercice d’une apparente et lumineuse simplicité littéraire…

Pour reprendre un semblant d’ordre logique à cette histoire parcellaire d’une poésie plus admise comme telle, nous citerons Jean-Paul Toulet et ses contrerimes, qui se disent incontournables, je pense qu’on peux vivre sans – mais je ne lui dénie pas une certaine virtuosité, exemple :


Plus souple à dénouer mes plis
Que le serpent n’ondule,
Ayant tous, ô Vénus Pendule,
Tes rites accomplis ;

Quand vint l’heure où le cœur se navre,
Et des fatals ciseaux,
Je mourus, comme les oiseaux,
Sans laisser de cadavre.



Nous ferons aussi à Paul Claudel la politesse de le citer de nouveau, encore que cette vieille fripouille ne le mérite que par l’excellence de sa langue, empesée et compassée, qu’il tirait dévotement en bavant sur sa Bible ; sa sœur lui doit beaucoup… – J’ai dit du mal ? –
ça m’aura échappé !

Francis Jammes, lui aussi, était confit en dévotion, mais voilà, ça n’empêche pas ! – Et Francis Jammes est un authentique phénomène de la poésie française, il tord le vers classique avec une subtilité qui frôle le naturel, ses textes, aux profondeurs de fjords, sont parmi les plus belles choses que la foi aura produite, «  la prière à Marie » dont Brassens interprète une partie, avec un immense brio, est un texte absolument merveilleux, j’ai failli en devenir croyant !

Nous finirons aujourd’hui par Paul Valéry, grand admirateur, émule réfléchi de Stéphane Mallarmé, il atteint parfois au sublime (Si vous n’avez pas lu « Le cimetière marin » poème majeur qui défie toute critique, voire toute explication, dépêchez-vous, il en reste peut-être encore… C’est, pour l’époque, LE tenant de l’héritage classique, jusqu’au côté gréco-romain d’un style inimitable, qui admet la licence justifiée, C’est un génie d’une impeccable rigueur, je vais vous trouver ça, pour conclure, mais on se revoit, hein !
Je compte sur vous.

(Si vous vous ennuyez, cherchez donc en quoi consistent, dans le texte qui suit, les « licences » et comment se justifient-t-elles* ? )

(*) Une césure toute neuve pour le, ou la gagnante !

Sinon, laissez tomber et lisez ! Ces vers sont plus beaux à mesure qu’on les relit ;
Valéry dépasse et sublime toute forme de pédanterie ou de mièvrerie, c’est du très haut niveau…

Salut ! (et soyez attentifs, la répétition figure le reflet !)



Paul VALÉRY
Recueil : "Album de vers anciens"


VALVINS


Si tu veux dénouer la forêt qui t’aère
Heureuse, tu te fonds aux feuilles, si tu es
Dans la fluide yole, à jamais littéraire
Traînant quelques soleils ardemment situés

Aux blancheurs de son flanc que la Seine caresse
Émue, ou pressentant l’après-midi chanté,
Selon que le grand bois trempe une longue tresse
Et mélange ta voile au meilleur de l’été.

Mais toujours près de toi que le silence livre
Aux cris multipliés de tout le brut azur,
L’ombre de quelque page éparse d’aucun livre

Tremble, reflet de voile vagabonde sur
Sur la poudreuse chair diverse de l’eau verte
Parmi le long regard de la Seine entr’ouverte.





La Fileuse


Assise, la fileuse au bleu de la croisée
Où le jardin mélodieux se dodeline;
Le rouet ancien qui ronfle l’a grisée.

Lasse, ayant bu l’azur, de filer la câline
Chevelure, à ses doigts si faibles, évasive,
Elle songe, et sa tête petite s’incline.

Un arbuste et l’air pur font une source vive
Qui, suspendue au jour, délicieuse arrose
De ses pertes de fleurs le jardin de l’oisive.

Une tige, où le vent vagabond se repose,
Courbe le salut vain de sa grâce étoilée,
Dédiant magnifique, au vieux rouet, sa rose.

Mais la dormeuse file une laine isolée;
Mystérieusement l’ombre frêle se tresse
Au fil de ses doigts longs et qui dorment, filée.

Le songe se dévide avec une paresse
Angélique, et sans cesse, au doux fuseau crédule,
La chevelure ondule au gré de la caresse…

Derrière tant de fleurs, l’azur se dissimule,
Fileuse de feuillage et de lumière ceinte:
Tout le ciel vert se meurt. Le dernier arbre brûle.

Ta sœur, la grande rose où sourit une sainte,
Parfume ton front vague au vent de son haleine
Innocente, et tu crois languir… Tu es éteinte

Au bleu de la croisée où tu filais la laine.



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