Le bouffon

Manants ! Curieux ! Approchez
Dames, châtelains et cochers !
Voir le persifleur des monarques
On dit que son verbe est un arc
Et que son cœur est un rocher

Venez badauds, venez bavards !
Il a traversé la Navarre
Le Bourbonnais, la Normandie
Il moque la main qui mendie
Autant que la main de l’avare

Sous les clameurs et le haros
Errant comme un mat du tarot
Prince des fous et fou des princes
Il vous montre ses dents qui grincent
Et son long costume à carreaux

C’est le risible matassin !
A la lèvre un rire assassin
Qui fait résonner ses sonnettes
Auprès des oreilles honnêtes
Pour y glisser des tracassins

C’est le grotesque grimacier !
Le saugrenu, le disgracié
Il a le trait fourbe et moqueur
Il rit des détresses du cœur
Le sien est un cachot d’acier

Il fut un âge, il fut un temps
Pas un de ces grelots tintants
Ne pendait à son ceinturon
Il était candide luron
Il était vert comme un printemps

Il aimait Dulcinée d’amour
Mais perdit sa main à la mourre
Qui fut promise à un vieux duc
Sa raison vaincue et caduque
Chut dans les ruines de l’humour

Du souvenir de Dulcinée
Naguère flamme hallucinée
Il entretient un petit feu
Et sa mémoire est un enfeu
Plein de reliques calcinées

Oyez le caustique pasquin !
Dont le regard noir et mesquin
Porte une lueur à l’aspect
De ces fils d’or qu’on voit jasper
Sur les boucliers damasquins

Oyez le burlesque bouffon !
Ce sont deux reflets qui lui font
Aux yeux l’effet de deux semences
D’un clair diamant que sa démence
Parmi ses ténèbres confond.




Ecrit par Laurent7869
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