Le pèlerin des longues étendues

Il porte en lui la steppe immense,
La longue marche des matins
Parmi la plaine où l'ombre danse,
La lumière des soirs lointains
Où s'endorment sous la nuée
Les pétales lourds de lenteur.
Il a goûté l'aube éveillée
Parmi les monts dont la lueur
Se déroule, encore assoupie.
Il a reçu chez lui le vent,
D'écho en heure recueillie,
Sous le flot pur du ciel puissant.

Il a guetté sur la colline
La mémoire du temps qui fuit,
Quand soudain la pensée s'incline
Vers l'arche proche de la nuit
Refermée sur toute chair nue ;
Car ainsi tout regard se tait,
Car ainsi toute voix s'est tue,
Et se taira ce qu'on aimait ...
Dans la forêt, là-bas, prochaine,
Il a cherché l'appui rugueux
Et l'ample force enfin sereine
Des troncs loyaux, droits et noueux.

Il a franchi le seuil de pierre
Et le silence répandu
Depuis la coupole première.
A peine un souffle retenu,
A peine un pas, à peine un geste,
A peine un vaste calme au front,
Un rien a suffi pour que reste
Au plus secret, au plus profond
De lui cet élan immuable
De l'encens riche et transparent,
Du chœur limpide et formidable,
De l'éternel et bref instant ...

Il a repris la longue route,
De colline en porche lointain ;
Dans le ciel profond il écoute
Le matin pur, le soir prochain,
L'instant qui meurt au lourd pétale,
La brume parmi la forêt,
Le vent qui se gonfle et s'étale,
Parmi l'écho où tout se tait.
La cloche sonne, et tout commence
Là-bas, au tremblement du jour,
En elle dort la steppe immense
Où l'aube lentement accourt ...


Poème inspiré par<br />
la spiritualité du Pèlerin Russe<br />
et la musique d'Okna Tsahan Zam<br />


Ecrit par Ombrefeuille
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