La moitié des choses

A force de ne voir
Que la moitié des choses,
On se retrouve un soir
Fané comme les roses.
Le parfum s'est flétri,
Il reste les épines,
Le vent frileux, aigri,
Et les humeurs chagrines.

A force de parler
En phrase convenues
Et de ne s'abreuver
Qu'à des idées reçues,
On finit par vieillir
Avant l'heure, avant l'âge,
On finit par mourir
Empaillé dans sa cage !

Celui qui dit : "Tu dois !
C'est ainsi qu'il faut faire !"
Et qui claque des doigts,
Ne peut-il donc se taire ?
Il dit : "Si j'étais toi ..."
Et : "J'ai de la bouteille" ;
Mais ... c'est qu'il n'est pas moi !
- Je m'en porte à merveille ...

Tranchés sont ses avis
- Il est pour ! Il est contre ! -
Ses arguments rassis
Lassent même la montre !
On n'entend plus que lui,
Il discourt, il pérore,
Et lorsque tous l'ont fui,
Il soliloque encore !

Foin des airs entendus,
De cette connivence
Où les sous-entendus
Font insulte au silence !
Foin de ces demi-mots
Echangés qui excluent,
Assez de ces propos
Qui étouffent, qui tuent !

A force d'oublier
L'autre moitié des choses,
On ne fait qu'endeuiller
Les pétales des roses ...
Car il n'est de savoir
Qu'au pas lent de la route,
L'esprit ne vient s'asseoir
Qu'en un cœur qui écoute.

La vie a ses secrets,
Ses plaies et ses errances,
Ses pointillés, ses traits,
Ses trous noirs, ses nuances ...
La vie a ses saisons
Et ses brumes d'aurore,
La vie a ses raisons
Que le bavard ignore.


La première ébauche de ce texte s'est dessinée dans ma pensée alors que j'écoutais un bon blues écrit par notre ami JMD. C'est ce rythme de blues qui a guidé chaque étape de l'écriture longuement retravaillée.

Ecrit par Ombrefeuille
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