De mémoire d'alcoolo


Je sors de ma nuit sans rêve… comme toutes mes nuits maintenant depuis
quelques mois… nuits épaisses, silencieuses, poisseuses même… le corps n'y
trouve qu'un demi-repos…
Les yeux ouverts sur la torpeur et les vapeurs, sur le silence alentour…
partout ce silence. Lui aussi épais comme les nuits, comme les jours,
comme l'angoisse…
Il faut sortir de ce lit, ce semblant de lieu de quiétude… ce n'est pas
l'envie qui y pousse, non, c'est le besoin… même si le reste d'esprit lucide
crie dans le silence que c'est la destruction assurée, qu'il faut que cela
cesse… le poison est plus fort… plus fort que la raison, plus fort que la
volonté, plus fort que moi…
Alors, je sors lentement les pieds du lit, et je m'assoie sur le matelas…
j'ai la tête lourde, le corps anesthésié, l'esprit embué… les mains
tremblantes… dire qu'il va falloir soulever tout ça… comme Jeff dans la
chanson de Brel…
La pièce vacille un peu… l'alcool d'hier n'est même pas encore éliminé !
Mais la boule est là… sinon, je serais resté dans l'inconscience de ce faux
sommeil qui me suit… qui me trompe sur son coté réparateur… réparateur,
mon œil ! Juste un répit entre deux unités d'éveil… deux unités de
torpeur et de silence…
Les escaliers sont difficiles à monter… mais la cuisine est là-haut… et les
bouteilles aussi…
J'ouvre le placard et sors le whisky… la vache… j'ai presque tout bu hier
soir ?
Comment veux-tu que je le sache… je ne me souviens plus de ce que j'ai
fait hier soir… je ne me souviens jamais de la veille… sans doute, en tout
cas, puisqu'il ne reste qu'un fond… que je m'empresse de vider sans même
prendre un verre…
Et maintenant, je fais quoi ? Je m'habille, histoire de faire un saut chez
l'épicier du coin ? Non, je ne suis pas encore assez imbibé… je serais
trop mal pour affronter autre chose que le silence ambiant…
Reste à voir… la pharmacie ?
Il ne reste pas la bouteille d'alcool à 90° ?
Si, si, il me semble bien… 'tain, faut que je redescende…
Autre placard ouvert… victoire, elle est là… pleine !
J'ouvre vite et porte le liquide à mes lèvres… le feu glisse jusqu'à
l'estomac… puis, je le sens s'infiltrer rapidement dans mes veines, mais
c'est insupportable… je sais comment y remédier…
Cette fois, je remonte l'escalier presque joyeusement, même si je titube
toujours… je prends un grand verre que je remplis à moitié de l'alcool
pratiquement pur et je verse en complément le jus d'orange que je viens
de sortir du réfrigérateur…
Il ne me reste plus qu'à vider la mixture d'une traite…
Puis à m'affaler dans le fauteuil du salon…
Et à glisser dans l'apaisement de l'hébétement et… du silence…




Ecrit par LCM
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