Onze novembre mil-neuf-cent-dix-huit

Quand le jour s'est levé, là-bas, sur les tranchées,
Aussi pâle, aussi frêle, aussi triste, aussi gris
Que tant d'autres matins, un à un engloutis
Sous la boue torturée de quatre années fauchées
Par le chaos hurlant du monde et de la guerre,
L'air crépitait toujours et le canon tonnait,
On attendait l'assaut, et déjà on sentait
La frayeur qui montait du ventre de la terre.

Combien, sous ce ciel bas, ont succombé encore,
Happés en plein élan ou broyés dans un cri,
Au fond de quelque trou, au fond de quelque abri ?
Combien ont vu tomber cette dernière aurore
Dans le feu d'une course à jamais suspendue
Vers un lointain mirage ou sus à l'ennemi ?
Combien habiteront la mémoire et l'oubli ?
Combien ne seront plus que poussière inconnue ?

Soudain frémit, ténu, le souffle du silence,
Venu de nulle part et répandu partout,
Invincible porteur de l'espoir le plus fou :
L'armistice et la paix, la vie qui recommence !
Bientôt s'éveilleront les forêts, les prairies,
La brise dansera, et le chant des oiseaux
Jaillira des vallons, couvrira les coteaux
Et rendra la lumière aux campagnes meurtries.

Qui pourrait deviner, alors qu'enfin les armes
Se sont tues, que demain se dressera le Mal,
Plus fort, plus conquérant, plus cruel, plus brutal
Et semant la terreur, l'épouvante et les larmes ?
Qui pourrait deviner, sur ces plaines brisées,
Que l'aube, enfin venue, demain s'effondrera
Et qu'un démon vengeur demain piétinera
Le jour qui s'est levé, là-bas, sur les tranchées ?...


Achevé d'écrire le 11 novembre 2017


Ecrit par Ombrefeuille
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