Morte maison

Le vantail de bois nu grogne sous ma poussée,
Comme un vieil animal qu'on vient de déranger ;
Il fait sombre en ces lieux où ne s'est plus coulée
La lumière du jour, depuis qu'on a fermé
Un beau matin la porte.

Là, les siècles couchés dans la poussière éteinte
Sont un souffle immobile, un manteau de torpeur,
Un silence qui prend mon âme en son étreinte,
Qui la couvre du voile épais de la langueur
Que le vide m'apporte.

Je reste sur le seuil, sous la brise éblouie
Qui joue dans le fouillis des arbres du jardin,
J'entre et ramasse à terre une page enfouie
Sous la grisaille ailée du temps grave et mutin
Comme une feuille morte.

Elle est tombée d'un livre, un soir de solitude,
Puis s'est assoupie là, à l'orée de la nuit,
Et nul n'a plus pensé, du fond de l'habitude,
A lire le parfum de son encre où s'enfuit
Ce que l'oubli emporte …


Le thème "Porte" du mois de novembre 2018 m'a décidément beaucoup inspirée ! Voici donc le quatrième "opus" écrit dans son sillage … et rangé ici "par défaut".

Ecrit par Ombrefeuille
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