Ballade des gens qui frissonnent

L’hiver glacial sort sa chanson polaire
Et crucifient les arbres rabougris
Dans le ciel froid, une lueur solaire
Tente d’ouvrir un univers tout gris ;
On aperçoit, formant quelques abris,
Tout apeurés, de pauvres boqueteaux ;
Des gens gelés, comme les animaux,
Fuient les assauts des vents qui tourbillonnent ;
Avec leurs corps planqués sous les manteaux,
Regardez-les, tous ces gens qui frissonnent.

Décembre a l’air d’une bête en colère,
Un loup d’antan qui pousse ses longs cris
Et le mistral chaque jour s’accélère
Lorsque la neige envoie ses confettis ;
Dans les terriers, les êtres engourdis
Dorment en paix comme dans des tombeaux
Mais, dans la rue ou les quartiers ruraux,
Sous les flocons qui sans arrêt bougonnent,
Comme transis par des traits infernaux,
Regardez-les, tous ces gens qui frissonnent.

Le temps ressort son dur vocabulaire
En secouant les arbres dégarnis
Tandis que court l’éternelle galère
Des malheureux, loin de tous les nantis ;
On entend bien quelques chuchotis
Des lève-tôt et des gens matinaux
Et dans les cris de pauvres étourneaux,
Tels des démons, des souffles s’époumonent ;
Dans la grand ville ou les moindres hameaux,
Regardez-les, tous ces gens qui frissonnent.

Princes, drapés dans de chauds oripeaux
Ne songeant qu’à vos sonnants capitaux,
Songez aux mois qui très souvent ronchonnent ;
De tous vos yeux, en oubliant vos maux,
Regardez-les, tous ces gens qui frissonnent.




Ecrit par Lastours
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