Que sommes-nous?

Dans ces pays qu'on dit souvent civilisés
L'âge est d'or mais la vie n'est pas toujours dorée
Et l'homme libre impose à lui-même ses chaînes
Comme pour éviter que son destin l'entraîne.
On s'attache à un pieu qui peut nous retenir
Et plus on a de force et plus courte est la longe
Et plus la longe est courte et plus dessus l'on tire
Pour mieux nous délivrer des conflits, des mensonges.
Que sommes-nous sinon que poussière et grands cris
Qu'on pousse pour savoir qu'il existe la vie !

On s'attache à un pieu comme à la religion,
On s'attache à tout ce qui se trouve à l'entour:
Une femme, un enfant qui nous ressemble ou non,
Un ami voire un chien pour éprouver l'amour,
Un petit bout de terre, un lopin, juste un acre
Pour lesquels une vie entière se consacre,
Et surtout l'intérêt affluant sur l'enchère,
Et la chair sur l'argent et l'or sur la misère.
Que sommes-nous sinon que poussière et grands cris
Qu'on pousse pour couvrir le vide de la vie!

Il y en a beaucoup qui ne sont vrais que saouls,
Comm' s'il fallait du vin pour quitter ses oeillères
Et qu'à lever le coude, ils lèvent leurs tabous,
Comm' si pour être eux-mêm's il leur fallait un verre.
On les entend, dès lors, parler tels des apôtres,
Sans calcul, ni contrainte et bien sereinement
Mais pourquoi cette honte quand au réveil les autres
Les jug'nt jalousement pour leur mettre un carcan.
Que sommes-nous sinon que poussière et grands cris
Qu'on pousse pour jeter la Mort jusqu'à l'Oubli !

Nous sommes en transit, dans un grand hall de gare,
Comme en stationnement sur le bord du trottoir
Et sans cesse l'on jette au parc-mètre des pièces
Pour rester de passage, sans excès de vitesse.
Qu'est-ce donc que cette comédie bien tragique,
Que nous jouons lors de tous nos actes publics?
A deux mains, préparons un avenir moins triste
Où les hommes seraient beaucoup moins égoistes:
Avec humilité, nous serions plus unis
En sachant que l'on est que poussière et grands cris.




Ecrit par Louis Vibauver
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