Il a réclamé

Il a réclamé plus d'argent,
De l'essence pour la voiture,
Force rabais sur la facture,
Un essuvé, un toit ouvrant.

Gilet jaune sur les épaules,
Il est allé sur le rond-point,
Klaxonnant, brandissant le poing …
Les temps, dit-il, ne sont pas drôles !

Des gens qu'il ne connaissait pas
Sont devenus ses camarades,
Unis par les mêmes bravades,
Liés par les mêmes combats.

Il se plaint de son infortune,
Accusant le gouvernement,
Les députés, le Président,
Sa femme, avec sa couleur brune.

Le soir venu, rentrant chez lui,
Il a retrouvé la routine
Et la télé dans la cuisine
Qui lui ronronnait son ennui.

Le lendemain, avant l'aurore,
Il a filé vers son rond-point,
Braillant, gueulant, levant le poing
Et revendiquant plus encore.

Un pote a dit : "Nous, samedi,
On veut aller se faire entendre
A Paris ! Et ils vont comprendre !
On y va tous. Viens, toi aussi !"

Débarqué dans la capitale
Avec un plein car de copains,
Il scande slogans et refrains,
Dans une fureur machinale.

De retour dans son patelin,
Il monte avec ses camarades
La cabane, et fait des grillades,
Palabrant du soir au matin.

Il peste contre tout le monde,
Vilipendant le Président,
Le maire, le gouvernement,
Sa femme, avec sa couleur blonde.

Il vitupère à pleine voix :
"Pouvoir d'achat ! Parole au Peuple !
Referendum ! Pouvoir au Peuple !
C'est nous qu'on dictera nos lois !"

Et le réveillon, cette année ?
"Sous la cabane ! On va trinquer :
Champagne ! Pourquoi se priver ?
C'est pas fait que pour l'Elysée !"

Il est retourné à Paris,
Cassant du flic et des vitrines,
Se livrant à quelques rapines
Et s'esquivant. Pas vu, pas pris !

Il veut du sang, il veut du drame :
Renverser le gouvernement,
Guillotiner le Président
Et tout plaquer, même sa femme !

Il réclame son toit ouvrant,
De l'essence pour la facture,
Force rabais sur la voiture,
Son essuvé et son argent !


NB : "Essuvé" = SUV, bref 4X4

Ecrit entre décembre 2018 et janvier 2019, en pleine tornade jaune.

Ce texte ne prétend pas résumer la situation, oh que non, et n'entend aucunement traduire un quelconque mépris envers les manifestants. Il s'agit seulement d'une caricature, avec ce que cela suppose de grossissement du trait, à partir d'une "figure", au sens littéraire du terme, de manifestant sincère, pas violent pour un centime au départ, mais qui se laisse contaminer, radicaliser, en raison de l'effet de masse. Pile le genre de "Français d'en bas" dont les meneurs, assurés de leur petite célébrité sur le web, font leurs otages, des gens ordinaires que ces meneurs, planqués derrière leurs profils Facebook, ameutent en troupes et traitent comme les "idiots utiles" à leur manouvre. Ah le bel amour du peuple que voilà !!!



Ecrit par Ombrefeuille
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