Jusqu'au bout de la rue

Par le seul passage autorisé
Qui m’a conduit jusqu’à vous,
Celui de la lagune de vos yeux
Couleur de jade, bordés de brun,
Mon regard a traversé à gué
Le flot tumultueux de la rue.
Nos yeux soudain se sont rejoints,
Instant intense et singulier.
Sans cesser pourtant de m’observer,
Timidement, vous avez rajusté votre voile.

Votre main délicatement tatouée
D’un feuillage finement cuivré
Est venue tendre l’étoffe
Et magnifier plus encore
L’audace limpide de vos yeux.
J’ai murmuré un mot maladroit
Que j’espérais suffisamment courtois.
Au battement répété de vos cils,
Autre attribut de votre sublimité,
J’ai su que le Français vous était inconnu.

Entre nous glissaient comme dans un film
Les silhouettes de passants pressés,
Et je suis resté planté là, avec pour contenance
Le seul aplomb de mon visage ébloui.
Votre autre main a saisi la coiffe
D’où tentait à présent de s’affranchir
La masse moirée de vos cheveux.
Vos yeux se sont soudain allongés,
Vous me rendiez je l’aurais juré un sourire,
Dessiné sur des lèvres que je brûlais d'apercevoir.

Brisant la magie étrange du moment,
Un homme à votre mode vêtu
Est sorti du commerce voisin.
Gênée, vous l’avez prestement escorté.
Le vent qui jouait avec l’étoffe
Suggérait avec audace votre jolie silhouette.
Sans y croire vraiment, mon regard a tenté
Une dernière connexion au vôtre
Qui, impensable folie, n’a jamais répondu,
Vous suivant malgré tout, jusqu’au bout de la rue.




Ecrit par Fregat
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