Une femme de la ville

C'est une femme de la ville,
Nul ne pourrait dire son nom,
On ne connaît que son surnom
Et sa silhouette gracile.

On sait qu'un simple regard d'elle
Désarçonne les plus prudents
Et que ses bras, tels des serpents,
Fascinent qui s'approche d'elle.

On dit sa taille si lascive
Et tout son corps si envoûtant
Que le vin même est impuissant
A allumer flamme aussi vive.

On dit que son ventre est caresse
Et que son art est si parfait
Que le vin même ne saurait
Procurer une telle ivresse.

On dit que l'ombre est sa complice
Quand, vêtue de ses seuls attraits
Et de ses longs cheveux défaits,
Elle se fait souffle et peau lisse ...


C'est une femme de la ville
Qui vient d'entrer dans la maison
Du riche Pharisien Simon,
Le pas craintif et malhabile.

Car il y a là ce prophète,
Lui qui console et qui bénit,
Qui réconforte et qui guérit,
Lui qu'on attend ... ou qu'on rejette !

Cheveux défaits, elle s'avance,
Serrant et cachant sur son coeur
Un peu d'une rare senteur
Et tant d'indicible souffrance ...

Elle n'entend pas le murmure
Qui rampe, s'enfle et la poursuit,
On la dit fille de la nuit,
Du scandale et de la luxure.

Elle ne voit que ce visage
Où tout n'est que calme et bonté,
Lui seul pourra la délivrer,
Lui seul pourra briser sa cage.


C'est une femme de la ville
Qui s'est soudain laissée tomber
Aux pieds de ce noble invité,
Et qui sanglote là, fragile.

Elle les baigne de ses larmes,
Elle les couvre de baisers,
Elle qui dans les bas quartiers
Vit du commerce de ses charmes.

Sans aucun souci du paraître,
Elle est là, pleurant à longs traits,
Et ses sombres cheveux défaits
Essuient les pieds de ce doux Maître.

Elle y verse goutte après goutte
Le nard très pur de son flacon
Dont le parfum dans la maison
Devient profond comme une voûte.

La voix de Yeshoua, sereine,
Sur elle s'incline et descend,
La relève et soudain lui rend
Sa lumière au fond de sa peine ...





D'après Jean - VII - 36 à 50


Ecrit par Ombrefeuille
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