Le Chêne et l’Amoureux (Fable)

A l’orée de Vert Bois, au bout d’un champ de son,
Sous un chêne à trochets bien plus que centenaire,
Une fille céda aux baisers d’un garçon,
Il semblait amoureux, elle se laissa faire.

Avant d’abandonner l’endroit ou régnait l’arbre,
A l’aide d’un canif le galant, impérial,
Crut bon de ciseler, comme gravé sur marbre,
Dans la peau du grand chêne, un coeur, deux initiales.

L’idylle s’estompa, mais le jeune gaillard
Amena dans ce lieu ses nombreuses conquêtes
Scarifiant en rituel, l’écorce du vieillard,
Qui tourné vers les cieux adressa sa requête :

« Jupiter je t’en prie, vois-tu ce hobereau
Qui à chaque béguin s’en prend à mon étoffe ?
Accorde-moi licence et ce piètre maraud
Saura à ses dépens de quel bois je me chauffe ! »

Le Dieu parmi les Dieux d’habitude rétif
A ce type d’appels très souvent infondés,
Admit que le supplice était fort afflictif
Et donna libre cours au doyen de l’orée.

Un soir où le Don Juan vint pour conter fleurette
A la belle aguichée au coucher du soleil,
Le feuillu rumina sa revanche discrète,
Attendant que la nuit vint lui porter conseil.

Une racine obstacle, une autre plus pugnace,
La chute du manant eut un effet cinglant
Il tomba en avant et se blessa la face,
Aujourd’hui cicatrice à la forme de gland.


Malheur à celui qui nuit à la nature,
Se croyant affranchi de toutes représailles :
Il se pourrait qu'un jour ce havre de verdure,
Lui rende la monnaie... en cuisante mitraille...




Ecrit par Maninred
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