Noir

Noir

Je m’efface dans la lumière noire,
Je détourne le gris sur les murs
et ma vie file sous les tirs des petits mots assassins,
sous les regards apeurés des guirlandes d’enfants
car ils ont appris la peur des autres peaux,
bien au chaud, à table avec des serviettes brodées
et les sentences du père qui claquent au vent
avec des allures d’éternité.

Les autres aussi, perdus dans les quartiers nord,
suintant la défaite et la haine
ont perdu le chaud des différences,
comme moi, ils ont la peau qui dessine
des moirés du Cap ou de Bamako
quand la pluie pousse ses premiers soupirs,
ils promènent leur sourire
avec la nonchalance des causes perdues
vont et viennent d’un mur à l’autre
car plus personne n’ose leur parler.
De l’éveil difficile des midis insipides
aux crépuscules du désespoir,
ils montrent leurs papiers effilochés
de trop sortir de la poche,
ils sont palpés, fouillés, rudoyés
comme de vieux sacs abandonnés sur le trottoir, alors,
alors ils ont renvoyé la haine dans les cordes.

Et moi je suis là, parisien noir,
en partance pour l’incertitude,
en attente de graines de respect,
avec le creux blanc de mes mains
pour ultime solution,
avec mes bras pour soulever les fleurs
l’acier et le béton,
avec mon intelligence pour soigner l’avenir
et ma parole pour évaporer les craintes.

Et moi je suis là, parisien noir,
errant dans la puissance
du racisme ordinaire.

Christian DUMOTIER
Mane le 2 juillet 2019
« Poèmes, prose et autres divagations » aux éditions Baudelaire




Ecrit par Chilimoya
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