Mes belles colères

Vous la détestez, ma colère !
Oui, je suis un gars du tonnerre !
Un explosif baril de poudre
Plein d’éclairs, de rage, de foudre !
Vous ne l’aimez pas, c’est peu dire
Bon Dieu qu’elle vous insupporte !
Vous ne cessez de la maudire
En lui claquant au nez la porte !
Vous dérange-t-elle à ce point ?
Vous tira-t-elle d’une sieste
Faisant gonfler votre pourpoint ?
Ah, zut alors, la sale peste !
Vous arracha-t-elle à vos songes
De pur confort et de bonheur ?
Alors là, le remords me ronge
D’avoir si mal choisi mon heure !
Mais apprenez que la colère
Est la meilleure conseillère
De tout poète qui progresse :
Elle n’est que nerfs, ni gras ni graisse !
Toute bonne et saine colère
Prenez note et prenez en acte
Est un gain de vocabulaire
Car il y faut le mot exact,
Pas le mot recherché, précieux
Qui ne jette que poudre aux yeux,
Non ! Le mot vif comme un scalpel
Le mot ciblé et sans appel
Qu’on crache au détour d’une phrase
Pour faire mouche, et table rase !
C’est la meilleure des écoles
Je le sais pour la pratiquer
Et je vous fiche mon ticket
Que sitôt votre âme décolle !
La colère, c’est inventif
On y forge l’insulte ad hoc
Celle qui vous cogne en plein pif
(Voyez le capitaine Haddock…)
La colère est un faire-part
Qui ne s’écrit sur du bristol
Mais sur le premier papelard
Sans simagrées, au vitriol !
La colère est un starting-block
Qui vous lance au cœur de la lutte,
Il faut en avoir plein en stock
Dans ce monde actuel de brutes !
Et puis la colère est un rite
Obligé pour le révolté,
Toute injustice la mérite
En nos sociétés éhontées !
Ne criez-vous jamais, bon sang ?
Vous laissez-vous chauffer la couenne
Vous laissez-vous pourrir le sang
Sans jamais gueuler comme un âne ?
La colère ? Un passe-muraille !
Intrusion du cambrioleur !
Elle met les pendules à l’heure
Et vous remet sur les bons rails !
Elle hait ce qui sonne faux,
Tout ce qui ne tourne pas rond,
Elle ne tue, mais s’il le faut
Te mitraille de ses jurons !
Quand un machin la tarabuste
Elle a le mot rapide et juste
Elle claque comme l’éclair
Ce qui était noir devient clair !

Vous la haïssez donc toujours ?
Vous lui préférez le faux jour,
Le toc, l’ersatz, l’illusion,
L’indolence et la désertion ?
Dans ce cas je vous laisse auprès
De vos leurres désespérants
Je m’en vais et je la reprends
Ma colère qui dit le vrai.






Ecrit par Gkak
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