Alceste aux enfers

Dans ce désert froid aux peurs éternelles
Où errent les désirs des trépassés,
Un visage voilé crie et appelle
Celui qu’un sort cruel a condamné
Pour qu’il revive, pour qu’il se souvienne
Du serment au temple des oliviers
Où scintillaient des vestales argiennes
Dans un fleuve, bleu miroir de l’été.

Les perles nacrées des pleurs de l’aurore
Ne troublent pas les coursiers de la mort
Dont le galop endiablé et retors
Emporte les âmes des exilés,
Car aucun regret ni aucun remords
N’atteint ce manège des oubliés
Qui contemplent les reflets de l’ennui,
Dans un fleuve, noir miroir de la nuit.

Alors, elle a plongé au plus profond,
Elle a plongé dans ce gouffre de soufre,
Elle a payé l’obole au vieux Charon,
Traversé ce fleuve où la mort s’engouffre,
Affronté le Cerbère aux yeux brûlants,
Pour plaider au tribunal des enfers
Et convaincre ces juges tout-puissants
De laisser vivre son époux si cher.

Ils se sont émus de sa foi ardente,
Ces législateurs férins d’outre-tombe,
Ainsi Minos, Eaque et Radamanthe
Ont longtemps parlé à leurs catacombes,
Mais qu’était-ce donc que ce vain amour
Qui sera un jour la proie des vautours ?
Ne comprenant pas un tel désarroi,
Ils les ont libérés de leur effroi...

Ô vertes vallées, si loin du Tartare
Où des spectres hagards cherchent leur mémoire,
Louez Alceste auréolée d’espoir,
Que du vaste ciel coule le nectar!
Ils iront encore au temple adoré
Où les vents rident tous ces oliviers,
Ils iront encore aux bords parfumés
Du fleuve où se mire l’éternité.




Ecrit par Banniange
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