Blues de la rentrée des classes

Ci-gît une plume rouillée sergent-major
Qui faisait des pâtés dans mes cahiers
Et me laissait entre index et majeur
Des taches qu’il fallait frotter
Longuement à la pierre à poncer

Rien que d’y penser
J’en ai la gorge sèche,
Et me mets à broyer du noir
D’encre de seiche

Ci-gît un buvard maculé
Qui buvait les pleins et déliés
De mes pages d’écriture
Constellées de gribouillis et ratures,
Pattes de mouches et fioritures

Rien que d’y penser
M’enivrent les larmes brumeuses
Versées par mon âme rêveuse,
Relents des temps où je buvais les paroles
De mes maîtresses d’école

Ci-gît mon vieux cartable éreinté
En croûte de cuir tout éraflé
Encroûté de poussières du passé,
Gibecière de mes cocottes en papier,
Traîneau de fortune pour récrés enneigées.

Rien que d’y penser
Mes jambes flageolent
Au souvenir de leurs genoux écorchés
Teintés de mercurochrome flamboyant,
Et couronnés de glorieux pansements.

Ci-gît la blouse bleue que je portais en classe,
Tenue réglementaire, nivellement des classes,
Les coudes usés d’avoir lustré les tables
Humble vêture se distinguant pourtant
Grâce à mon prénom brodé par Maman…

Rien que d’y penser
Me viennent aux yeux quelques perles salées
Et je me carapate
Dans une carapace
Hors du temps qui n’en finit plus de couler…

Ci-gît la boîte aux trésors de mes trophées.
Images écornées d’avoir été trop exhibées,
Quelques bons-points jamais échangés,
Une photo de classe où les fillettes alignées
Arborent des sourires figés pour l’éternité.

Rien que d’y penser
Me terrasse la mélancolie
Que sont devenus tous ces gens
Dont j’ai partagé quelques années de vie ?

Lors se referme doucement la porte de mon école d’antan





Ecrit par Oxalys
Tous droits réservés ©
Lespoetes.net