Le duel

L’aube livide en pleurs de larmes de rosée
Couvre le Champ de Mars d’une mantille grise
Sur la barrière on voit deux manteaux déposés
Au milieu de l’allée, deux silhouettes en chemise

Pour une offense vaine, une sotte remarque
L’un de ces jeunes gens, si vivants, va mourir
Avec sa grande faux, déjà là dans le parc
Elle rôde, la camarde au sinistre sourire

Tout de sombre vêtus comme des croque-morts
Le protocole est strict, les témoins vérifient
Les pistolets d’arçon, puis le tirage au sort
Pour chaque arme décide à qui on la confie

Les duellistes à part crânent l'indifférence
Une seule pensée, ne pas trembler de froid
Ne pas montrer sa peur, toujours de la décence
Pour l’honneur de son nom, il faut se tenir droit

Six heures, c’est l’instant, à l’appel ils s’adossent
S’éloignent en comptant à grandes enjambées
Volte-face à vingt pas, ils songent à la fosse
Où l’un d’eux dormira quand il sera tombé

Une dernière fois, on vient les supplier
De retirer l’insulte aux mots inopportuns
De pardonner l’outrage, accepter d’oublier
Deux non suivent alors qui scellent leur destin

A mon compte de trois, dit une voix tendue
Effrayant les pigeons, une salve éclatante
Retentit dans le vent, le verdict est rendu
Aux deux poitrines blanches on voit deux amarantes

Quelque part dans la ville, un rire d’une belle
Une femme inconnue, princesse ou prostituée
Moque ses deux amants qui pour cette cruelle
Dans le petit matin, se sont entretués


Gao T. Kanth




Ecrit par Kanth
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