Ah, ça ira ça ira, ça ira…

Ah, ça ira ça ira, ça ira…


Aux temps anciens, on l’appelait le troubadour
Il portait fier son luth bien plus loin qu’alentour
Allant vers son but il marchait dans la poussière
Rempli de ses espoirs et des luttes d’hier
En croquant son pain noir, les mots en bandoulière

Cachés au fond de lui, batailles de conflits
Entre lumièr’ qui luit et ténébr’ en folie,
Batailles pour les mots, musique pour ses phrases
Et la lumière là-haut qui le tient sur ses bases
Elle est sa raison d’être et sa philosophie

Il allait dir’ ses mots, dressés contre les maux
À toute la gente, en mots écrits ou chantés
De sa langue et de ses mains qui savaient mimer.
Son sabot battait chemin pour garder le tempo
Et sa voix s’emballait en graves et en hauts

Le poète vrai, crie vrai, il pince ses cordes
En tirant très fort pour conjurer la discorde
Sur des refrains que l’on retient et qui s’accordent
Le vrai poète ne possède aucun sequin
Le pain dur et la misère à portée de main

On le guettait et on l’apercevait de loin
Moulé dans ses guêtres et ses vieux brodequins
Il avait sur la tête le chapeau des grands soirs
Enfoncé sur son rêve et sur tous ses espoirs
L’a-t-on vu récemment chanter au vent coquin ?

Déclame–t-il à pleins poumons sous votre auvent ?
Quelles trompeuses promesses auraient su l’endormir ?
Elles ne font que damner ceux qui se font mourir
Qui pourrait perdre un trouv’hère plein de cette ivresse
De Fraternelles égalités libérées ?

Dans les rues, la misère frappée, enfin, frappe
Se réveillent les poètes en débandade
Leurs mots hurlés dévalent la ville en cascade
Le peuple et eux, ensemble préparent l’agape
Un peu de pagaille pour un avenir nouveau
Un peu de poings levés et remise au pli
Un bon remue-ménage avant que les arrêtent
Tous les bonimenteurs qui n’feront plus tripette
Avec leur ventre gras et leurs poches remplies
On les mettra un peu au pain sec et à l’eau
On va renverser le bas pour le mettre en haut
On a assez pleuré et ils ont assez ri

Bien avisé il serait,
Pour les faux culs et faux cols
Jouisseurs de ce ras-l’bol
De laisser là leurs débats
Pour la poudre d’escampette
Avant que tombent leurs têtes
Sous la dent noire de Louisette*
Bien gardée aux oubliettes.
Ouïs-tu la chansonnette
Ah, ça ira ça ira, ça ira…
Dans la rue des mots criés
Dénoncent les maux rentrés


*surnom de la Guillotine




Ecrit par Claire-Obscur
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