Trois soeurs

Hurle, hurle, horrible gorge du nordet !
Dans ces landes châtiées, couronnées de bruyères,
Leurs épines griffent le sol martyrisé
Qui saigne en gémissant sous un ciel en colère.

De sombres bigotes quittent le presbytère
Où le courroux divin a longtemps retenti
Dans ce clocher fêlé, patiné de poussières,
Qui tournoient tristement dans les airs déconfits.

Les prairies semblent fuir de terribles menaces,
Des nuages fielleux inquiètent les surgeons,
Quelques chiens angoissés se plaignent, en disgrâce,
Des ombres géantes piétinent les chardons.

En haut de la colline aux sapins rachitiques
Qui implorent en vain l'aumône du soleil,
Un manoir ténébreux affronte, hiératique,
Les outrages du temps qu’acclament les corneilles.

Des griffons vermoulus, des lions écaillés,
Sur leur tambour usé, inspirent la pitié,
Un haut porche bée telle une bouche malsaine
Où viennent s’engouffrer tant de voix souterraines …

La vaste demeure se meurt de solitude,
Les fenêtres n’éclaire que des pièces vides
Où se traîne un passé réduit en servitude,
Où s’envolent les ailes d’une éphéméride.

Un austère caveau prolonge la maison,
Le pauvre voyageur y lit avec douleur :
« Ci-gît trois nobles cœurs, c’étaient aussi trois soeurs,
Les Hauts de Hurlevent étaient leur horizon ».

A Charlotte, Emily, Anne Brontë




Ecrit par Banniange
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