Spectre

Sur nos berceaux se sont penchées certaines fées...

Il y a le rebelle inoffensif, celui
Qui porte le costard prévu à cet effet,
Ce blouson noir auquel les coudes ont trop lui,
Jean troué, délavé, parfois crâne rasé,
Après les cheveux longs, les pantalons moulants,
Ou bien tifs colorés, extrémités percées,
Tous ces signes montrant n'être moutons bêlants.

Et la gueule aussi du romantique attardé,
Qui bien veille d'avoir la face bien fardée,
Laquelle peut durer du très jeune au très vieux,
Lequel pense parfois avoir quelque envieux,
Écharpe élégamment lancée, chemise ouverte
Sur poitrine bronzée, légèrement poilue ;
De sa bouche ne naît qu'une parole experte
Autant qu'il laisse entendre avoir sur tout tout lu !
Il peut se prononcer sur les choses passées,
Même si quelquefois il ressemble à un fou,
Avec cet œil hagard de celui qui sait tout,
Tellement qu'il ne sait savoir tout ce qu'il sait.

N'oublions pas celui qui en révolution
Affermit son propos tant qu'il est protégé ;
C'est un devoir sacré, c'est une dévotion ;
Il prépare longtemps, rhéteur, son premier jet !
Une cours de récré lui permet de râler,
Il est la mouche empêchant coche au pis-aller ;
Il importe pour lui que n'advienne jamais
Cela qu'avec grands cris, il clame réclamer,
Cet éternel printemps chanté au mois de mai,
Que se trouve la joie dans l'abandon pâmé !
Lui, dont le sort lança si souvent mal les dés,
Il perdrait en ce cas le statut accordé
Par ce système qu'il affirme dénoncer,
Bien qu'en lui chaque jour un peu plus enfoncé.

Il serait donc un Zeus qui par son chant nous berce ;
Croyons en lui, qui se montra si valeureux !
Tout va très bien. On a créé pour eux commerces
Et marchés, de la sorte que tous soient heureux,
Dans le plus grand respect de leur diversité,
Laquelle favorise au mieux la liberté
De vendre et d'acheter, investir, profiter.
Alors, pour quel motif trouver tant d'agités ?

On rencontre parfois celui qui s'en balance
A vous donner l'idée de ce qu'est l'infini.
Des conventions, il n'est pas même en le déni,
Et des fébrilités, il esquive les transes.
De savoir son écart, on dit qu'il est têtu.
Il ignore de quoi hier était vêtu,
(Tout n'est que choix entre laitue ou du cresson,
Et le grave souvent se résume au futile)
S'il est rasé, peigné, de quelles couleurs sont
Ses chaussettes, souvent dépareillées, sait-il
Seulement s'il en porte ? Il inquiète tous ceux,
Qui dans le cas meilleur le disent facétieux,
Qui n'ont d'identité que par respect d'un code ;
Dans son glossaire, un mot n'entra jamais : la mode,
A laquelle éduqués ont préféré la norme,
Qui n'est que son jumeau, plus savant, mais énorme !

Parce qu'il sait de quel côté être mal né,
Il se méfie des libertés tant égrenées
Par tous ceux-là qui bien maîtrisent l'art de feindre,
De ce pluriel qu'il est facile de restreindre
Par encadrement et souci de protection,
Se sachant exposé à la moindre infection,
Leur préférant autonomie, indépendance,
Disant que tout homme est affranchi dès naissance ;
En principe...
il y a loin de la coupe aux lèvres.

Qui de sa vie a ce souci d'être l'orfèvre ?




Ecrit par Jim
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