Fantasmagorie

Ce n'est pas le vent qui soupire
Entre les doigts crispés des saules
Ni cette blanche farandole
Venue dans les sillons languir.
Est-ce la lune maléfique
Qu’invoquent dans leur hystérie
Les sorcières de Thessalie
Avant de cueillir le colchique,
Ou une fée qui se lamente
Au bord d’un ruisseau asséché
Que ses larmes si abondantes
Ne peuvent hélas ressourcer ?

Mais d’où vient cette plainte étrange
Qui sous ces nuages orange
Nous glace lentement d’effroi
Comme si résonnait le glas ?
Chaque fois qu’on vient à l’entendre
On sait qu’une vie va s’étendre
Pour aller retrouver sa mère
Qui couve ses enfants sous terre.

Moi, j’ai pu sonder ce mystère
Un soir où gémissait l’hiver
J’ai suivi ce violoneux
Dans ce long drap blanc tout miteux
Son coup d’archet si famélique
S’affligeait d’un air pathétique,
Il sautillait comme un crapaud
Des venelles aux caniveaux
Et chaque fois qu’un portillon
Etait marqué d’un signe abscons,
Il entamait avec douleur
Cette rapsodie du malheur.

Une nuit, un éclat lunaire
Me fit voir sa face, ô misère!
C’était un crâne décharné
A la peau toute vérolée,
Ces yeux caves, égarés
Buvaient les ténèbres glacées,
Soudain, il darda son regard
Vers moi qui en devint hagard
Et me tendit son instrument
Avec un rictus insolent.

Je me réveillais dans ma chambre
Tout en sueur, perclus des membres,
Ce n’était donc qu’un cauchemar
Qui m’avait rendu si couard
Mais alors pourquoi sur un buffet
Un violon grinçant traînait ?




Ecrit par Banniange
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