Pas un jour sans tracer une ligne !

- A Pline -
(l’Ancien)



Je n’ai rien écrit d’aujourd’hui ;
Tout me semblait si vain depuis
Que j’avais vu le fond du puits…

Tant je rime, qu’à la fin lasse
La lettre - et qu’être est dégueulasse !
Quand je me vois dans une glace

Sous le fantôme des reflets,
Je m’observe et je me complais
A retrouver les charmes laids

Du piquant caché sous les rides,
Vieux marin dont les Néréides
Couraient sus les appas arides !

Mais j’entends le faux-tain qui rit ;
Aujourd’hui, je n’ai rien écrit !
Tant de malagrément m’aigrit…

Demain je rattrape la troupe
De mes vers dont le flot regroupe
Les flux enflés de cette soupe,

Le fleuve Pyriphlégéthon
Où se sont noyés, ton sur ton,
Les pieds coulés dans le béton,

Ma logorrhée et mes poèmes,
Mes idéaux, mes anathèmes
Et l’immensité de mes flemmes …

Mais! « Nulla sine linea »
Comme la fleur de nymphéa,
Lueurs qu’un peintre recréa,

Je veux tracer la toile blanche
Du signe, Orphée, où tout s’enclenche,
Et que se cambre, à cette hanche,

L’urgente Muse ! Et l’instrument
D’Éole (ou l’absinthe, ou l’amant),
Y palliera, si mon truc ment,

En dépolissant mes grands cris,
- Aujourd’hui, tu n’as pas d’écrits !
Inspiration folle et sans prix

Dont la passion, qu’on dit magique,
Fait retentir toute musique !
Tu ne me laisses, qu’elliptique,

Cette occasion d’un vieux tercet
Que, sans Pégase, déversait
En mon âme un démon perse - et

J’entends, dans sa note et son rire
Qu’il en pourrait bientôt me cuire
Si, là, je ne cessais d’écrire !




Ecrit par Salus
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