C’est quoi la France ? C’est mon pays. C’est entre nous comme une histoire d’amour vache.

Aux quatre coins de l’hexagone, il fait bon vivre ! C’est un poncif qui pourtant me convient bien, malgré mon engagement militant, malgré la fatuité de nos malhonnêtes personnages politiques et la paupérisation volontaire du petit peuple qu’on assomme de culpabilité, faute de l’achever par un labeur aliénant ; tout cela nourrissant une montée nationaliste que je vomis de toutes mes tripes.
Les quatre coins de l’hexagone ne sont pas comme ceux d’une salle de classe, étriqué rectangle sentant la craie et l’éponge mouillée… La France, c’est le souvenir des cartes Vidal-Lablache et des planches Rossignol. Notre Histoire, ce sont les gros mensonges de Lavisse illustrés par des images d’Epinal : Vercingétorix déposant les armes, Charlemagne à la barbe fleurie ou Saint-Louis rendant la Justice sous un chêne. Une Histoire aussi bien orchestrée que le quatorze juillet, une unité nationale qui longtemps, gomma à coups de règle l’originalité de nos régions. Les hussards de la République firent leur devoir patriotique comme les noirs corbeaux rendaient compte au pape de la bonne instruction religieuse de ces petits chrétiens devenus citoyens.
Enfant, je ne percevais rien de rien de tout cela. J’étais française, j’en étais fière et ça me rassurait.
Enfant, j’avais de la compassion puérile dans mon approche du don de vie. J’avais cette chance infime d’être née humain. Garçon ou fille, j’avais fait le tour de la question, je m’en fichais. Ni fougère, ni éponge des fonds marins, j’étais venue au monde dans un temps où mes aïeules imposaient timidement, progressivement mais fermement leurs qualités, aux mâles de l’espèce. C’était un bien fragile que de naitre femelle mais j’étais en France alors que des millions de gens voyaient le jour sous d’autres cieux. « Ce n’est pas de bol pour eux », se disait la gamine que j’étais alors.
J’étais persuadée que c’est par dépit pour cette injustice que les étrangers se forçaient à parler une autre langue que la nôtre. Ils se donnaient ainsi des airs importants en ayant les plus grandes difficultés à se comprendre entre eux dans leurs drôles d’accents ; une idée stupide, je vous l’accorde. Comment un homme pouvait-il penser et compter dans un langage qui ne fut pas celui de la bibliothèque rose ?
Je suis d’une génération pour peu qu’on l’acceptât par commodité intellectuelle ou déficience cérébrale qui bénéficia de ce confort d’un vase clos, d’un entre soi tout aussi illusoire qu’infondé.
Dans le creuset commun aux bougnats auvergnats partis pour la Capitale, aux Alsaciens malmenés par la ligne bleue des Vosges, aux Marseillais comme aux Lillois, se fondent depuis plus de mille ans des pépites humaines venues d’ailleurs, devenues patriotes en mangeant sans doute le pain de ces vieux occupants plombés dans leur routine. La France est une alchimie bouillonnante épousant tous les ors du monde volés quelquefois et souvent acceptés comme une précieuse obole exotique, une richesse valant tous les Eldorado, se rangeant sous les couleurs de la Déclaration des Droits de l’Homme souvent bafouée, invoquée quelquefois pour une émotion rarement suivie d’effets concrets.
Aux quatre coins de l’hexagone, il fait si bon vivre pourvu qu’on enfouisse notre chauvinisme bien profond dans son béret de feutre qu’on dit venir des basques.
Aux quatre coins de l’hexagone, j’aime m’y baigner, me saouler de ses paysages, me repaître de ces témoins d’un passé qui ne fut pas que gaulois.




Ecrit par Ann
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