Du point de vue d'un homme désincarné

Ce matin, en un éclair
À l’heure où s’allume la conscience
Tu es venue vers moi.
Sans que je sache comment et pourquoi.
Alors les mots sont entrés en transe
Pour garder cette image de toi, Claire.

Ta chambre est grande, haute de plafond.
Des dards de soleil la zèbrent d’or en poussières
(Mon âme flotte sans doute sur ces rais).
Je vois ta poitrine doucement respirer
Sous une soie aux grandes fleurs printanières.
Tu sembles dans un sommeil profond :

De ton océan de fleurs
Comme des tentacules
Dessinant une étoile biscornue
Émergent tes membres nus.
Sur l’oreiller blanc que ta chevelure macule
Ton visage détendu respire le bonheur.

Tes bras, largement ouverts,
Semblent inviter mon ombre à te rejoindre
Et à poser ma tête sur ton épaule.
Oh, je crains peu que tu les refermes en une geôle,
Car je suis déjà un de tes prisonniers, peut-être le moindre
Mais sans doute le seul qui soit trouvère...

Je n’ai pris garde si dans le paysage fleuri
Se dessinent à l’ombre d’un pétale
Ou dans quelque calice les pointes de tes seins.
Mais le tissu, ayant reflué au-dessus de ton bassin...
Il découvre au sommet de tes cuisses étales
Un autre genre de souriante prairie...

Dans un écrin de soie légère et timide
Une perle couleur fleur de pêcher
Pointe, luisante, au sommet de tes chairs intimes.
De quel plaisant rêve es-tu l’heureuse victime ?...
Ou bien, sur mon dard solaire perché,
Serait-ce moi-même le responsable de ta douceur humide ?

Comment perdre cette image gravée
Si les mots ici exprimés n’y peuvent suffire ?
Un poème peut-il libérer une âme
De sa charge d’émotion quand la flamme
L’a ravie à son insu et qu’elle a fait rejaillir
Bien au-delà du corps un Amour à gaver ?


J'aimerais être femme douée de la puissance de pénétrer.<br />
J'aimerais être homme doué de la force d'accueillir.<br />
Mais je ne suis pas vraiment l'une ou l'autre : je suis les deux dans mon âme qui n'affichent qu'un seul versant dans son corps.


Ecrit par Pilar
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