L’étranger au présent.



Est-ce l’âge avancé, ma santé qui se ride ?
Mon char du quotidien est un peu moins rapide
Et il faut plus de temps à l’élan du matin
Pour qu’il suive le fil de l’auroral destin.

Mais chronos me déclare : allez à l’évidence,
Ne pas vouloir vieillir serait une impudence
Tout coule, dit le dicton, et si fixe est le temps
C’est vous qu’il voit passer en mortel pénitent.

Au Parnasse, peut-être, un sursaut poétique
Pourrait faire votre cours bien moins chronologique
Une plaisante muse aux charmes valeureux
Pourrait vous ramener aux instants chaleureux.

Et puis que feriez-vous ? Ancêtre rajeuni,
D’une autre adolescence, oiselet en vieux nid ?
Vous, aimant le classique et dansant le tango,
Subissant les travers de ce temps démago.

Vous, féru de culture aimant le tout des autres,
Devant du numérique encenser les apôtres
Négligeant les erreurs que distille la mode
Dont l’ignare aujourd’hui lâchement s’accommode.

Il faut bien reconnaitre une nouvelle époque
Dans cet imbroglio dont la trame est en loque
Et si tout doit changer pour des futurs meilleurs
Pourquoi se raréfient les visages rieurs.

Car le contemporain fait la gueule au long cours
Il est insatisfait d’un excès de discours
Il est manipulé par ces nombreux rouages
Qui de la société bloquent les engrenages.

Bref c’était mieux jadis, enfin c’est mon avis,
Et d’un sombre futur on vit le préavis
Car je ne vois pas bien, sans main autoritaire,
Comment on guérirait la nausée sociétaire.

Pourtant on peut bien plus en de nombreux domaines
Mais les réactions, probablement humaines,
Sont de ne point forcer les naturels talents:
La boutique aux efforts manque un peu de chalands.

Les anciens peuvent-ils être aussi d’aujourd’hui
Lorsque les choix offerts sont d’étranges produits
Et peut-on deviner l’évolution mystère
Où des fils germeraient sans maman et sans père.

Bref la modernité ne tient pas sa promesse
Prétendant au bonheur elle offre la détresse
La mondialisation n’est que simple imposture
Trop de fruits dans le pot gâchent la confiture.

Comme l’a dit Prévert notre fameux progrès
C’est, bien évidemment, robot pour être vrai
Et à chercher partout l’utopie en bouquets
De ce monde on devient les asservis sujets.

Je me sens étranger au temps qui m’accapare
N’étant qu’un sot fétu suivant un flot bizarre
Mais j’ai des souvenirs émerveillant mon cœur
Quand le contemporain n’a guère de saveur.

Quand je vois les amours devenues numériques
Tuant le sentiment, n’être plus que physiques
Le sursaut passager qui sur le net abonde
Défini en euros ou en microsecondes.


Et cette vétusté de la galanterie
Que la femme confond avec la flatterie
Je me dis que ce temps a sans doute du cœur
Mais que la passion avait autre saveur.

Quant à l’égalité ce hochet illusoire
De l’homme et de la femme argument de l’histoire
On en fait des discours mais c’est avec lenteur
Que progressent les gains des dames au labeur.

Ai-je raison ou tort, en disant au présent
Qu’à défaut de logique il est anarchisant
Et je dois avouer que ce monde me ronge
Sa vérité du jour est souvent un mensonge.

Je m’accrocherai donc aux sublimes racines
Que la modernité lâchement assassine
Pour que vieille culture essaime des leçons
Dont le parfum d’hier vantera les façons.

À déséquilibrer les détresses, les ors
Pour des desseins obscurs n’en valant point l’effort
Craignez que d’un déluge quasi imprévisible
Sans Arche et sans Noé, vous deveniez la cible.






Ecrit par Rimatouvent
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