Et si l'égalité, mon vieux...

Quand Brennus le Gaulois cerna le capitole
Des stoïques Romains vaincus, sans protocole,
Qu’il clama « Vae victis » assis dans la balance
Et reçut un butin lourd comme une sentence
Se dit-il en son for, le sourire narquois :
« Et si l’égalité se mesurait au poids ? ».

Quand Torquemada taquinait les hérétiques
A l’aide de tisons trempés dans l’arsenic,
Qu’ils leur faisait chanter : « Pardonnez-nous Seigneur »
La bouche charbonnée par de chaudes liqueurs,
Se disait-il parfois en se tenant les bras :
« Et si l’égalité résidait dans la foi? ».

Quand les champs de coton en leur blancheur liliale
Accueillaient dans une joie toute pastorale
Ces nègres empestés au dos déchiqueté
Qui clamaient leurs douleurs dans un chœur affligé,
Leurs maîtres amusés s’esclaffèrent grivois:
« Et si l’égalité se trouvait dans les voix ? ».

Quand sous un ciel blafard se mourait le soleil
Percé de part en part sur de hauts barbelés
Où venaient s’effondrer des fantômes rayés
Qui suppliaient un Dieu comme un essaim d’abeille,
Leurs atroces bourreaux vociféraient, comblés :
« Voyez l’égalité, sur vos crânes rasés! ».

Les temps ont bien changé, nous n’en sommes plus là,
Chacun peut se targuer de posséder des droits,
Chacun peut convoiter ce que le voisin a
Tous peuvent l'espérer en se croisant les doigts,
Même si un écho leur chuchote tout bas
« Et si l’égalité, mon vieux, n’existait pas ? ».




Ecrit par Banniange
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