Erotissimo

Le père larmoyait assis sur la corniche
Tandis qu'un ramoneur lustrait la cheminée,
L'abbé Quille en sueur brandonnait la boniche,
Un hallebardier mou se faisait éponger.

Des visiteurs hardis au verger de Cypris
Ou alors égarés sur le port de Cythère
Mesuraient leurs poireaux sur une grande équerre
Ou pêchaient l'espadon dans le fond d'une abysse.

« Ecrémez le cyclope, égouttez le colosse ! »
Pouvait-on lire au front d'un réputé négoce
Où certains rossignols chantaient le zibounet,
Becquetant la prune dans un coin bien boisé.

A la niche du diable, un mitron enfournait
Une jeune baguette à la pointe en sifflet,
Dans la grotte-à-papa, on tentait la mouillette,
Un jeu particulier offert aux barbichettes.

C'était la Saint-Priape où l'on dansait le zon
En affutant sa flûte, en faisant la zizette,
Qui mettait au guichet la taupe ou la belette
Avant de se livrer à ces joyeux frissons ?

Les sacristains brûlaient un cierge au reposoir
Avant de préparer la messe du grand soir,
Alors que des païens jouaient à l'as de pique,
D'aucuns, dans des arceaux, investissaient leur trique.

D'autres enfilaient la cravate du notaire
Et se baguaient le noeud en route vers Tolède,
Le soir on tisonnait les deux beaux hémisphères
Des gougnottes rouées venaient crier à l'aide.

L'abbaye de Clunis et ses longs souterrains
Où tous les inversés venaient tâter la raie
Offrait ses pains fendus aux mignons turlupins
Qui cueillaient des trèfles sur le mont de Vénus.

Que l'on rompe une lance ou chevauche sans selle
Que l'on aille au gratin, la praline en délire,
La trompette à la neige a parfois des séquelles,
Des bémols attristés suspendus à la lyre.

Le génie des peuples que l'on peine à trouver,
Dans cette matière s'est vraiment surpassé
Même si à la fin, il ira échouer
Sur l'adage « Post-coïtum animal triste ».

A lire sans modération : Les mots et la chose de JC Carrière.




Ecrit par Banniange
Tous droits réservés ©
Lespoetes.net