Il y a longtemps

« Il y a longtemps que l’étoile
Scintille au-dessus de tes yeux,
Que tu n’en sais plus voir le voile
Argenter la nuit les plans d’eau.

Longtemps que dansent les nuages
Sous le souffle inégal du vent,
Esquissant pour toi des images
Mais rêver, tu n’as plus le temps.

Si longtemps qu’une bleue rivière
Ne t’a plus porté dans son lit,
Qu’en transparence, sa lumière
N’atteint plus ton cœur épaissi.

Trop longtemps qu’un rire aux éclats
N’est plus au détour d’un instant,
Pas de place sur l’agenda,
Tu dois courir, faire l’argent. »

Sur les pavés et dans l’averse,
Costume et cravate assortis,
Arrêté, l’agent de commerce
Entend ce que lui dit la pluie.

« Il pleut, il pleut depuis des mois,
Il pleut des jours mortels et gris,
Ne sens-tu pas qu’est aux abois
Le sens abimé de ta vie ? »

Soudain la face ruisselante,
L’homme se décide et tout plaque,
Jetant toute dégoulinante
Sa serviette dans une flaque.

Il est un midi plein d’audace.
Dans l’aplomb sûr de sa poitrine,
Toute mélancolie s’efface :
Le ciel livide s’illumine.




Ecrit par Fregat
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