Le marcheur, le lynx et l'aigle

Un marcheur, désireux de trouver le silence,
Allait, méditatif, solitaire et secret.
Le ciel était profond, la neige était immense,
Or, voici que tout près se tenait la forêt.

Sombre et vaste, elle avait la majesté d'un temple
Qui aurait conservé les siècles sous son toit.
L'on savait qu'en ces lieux l'air se faisait plus ample,
Le zéphyr plus subtil et le souffle moins froid.

Le marcheur, y entrant, ressentit que la flamme
De sa quête roulait, grondait, telle un torrent.
Il cherchait ce trésor qui comblerait son âme :
Cette absence de bruit, ce calme consolant.

Tout-à-coup son regard se figea de surprise :
A quelques pas de là, un lynx, comme à l'affut,
Attendait. De la neige en sa robe était prise
Et ses yeux paraissaient les plus beaux qu'on connût.

Le marcheur, s'avançant, lui demanda sans crainte :
"Dis-moi, maître des bois, si je puis espérer
Un silence total, sans tumulte et sans plainte,
Si je puis en sa source entrevue me plonger".

L'animal répondit d'un ton plein de mystère :
"Le silence, l'ami, c'est lui qui s'offrira
A ton être le jour où tu sauras te taire
Et l'attendre sans hâte, alors il s'ouvrira".

L'homme reprit sa route et, suivant sa pensée,
Il parvint sans effort sur un étroit plateau
D'où la roche montait vers la cime élancée
Sous le vent ébloui qui mugissait plus haut.

Il entendit alors un sifflement limpide
Qui, transperçant l'écho, traversait tout l'azur :
Un aigle tournoyait, serein, puissant, rapide,
Dominant l'infini, l'immobile et le pur.

Le marcheur, l'appelant, lui fit cette prière :
"Seigneur de l'empyrée, toi dont le libre essor
Transfigure le temps et touche la lumière,
Conduis-moi au repaire où le silence dort !"

L'oiseau lui répondit : "Ô faible créature !
Il est en toi, ce gîte, et toi seul peux goûter
En tes replis cachés l'ineffable murmure
Du silence du cœur, si tu sais l'écouter …"

Le marcheur repartit … La neige immaculée
Habillait les rochers de son épais manteau,
L'homme enfin savourait le son de sa foulée
Et découvrait soudain que tout était nouveau.

Il lui sembla saisir du roc la transparence,
Des forêts la musique et du vent le parfum …
Le lynx avait raison : Sans hâte est le silence …
Et l'aigle disait vrai : Il habite en chacun …







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Ecrit par Ombrefeuille
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