Le compositeur et l’oiseau

Songeur, il marchait dans un boisé pastoral,
L’esprit envoûté à la grande symphonie.
Dans ses tympans régnaient une cacophonie,
Un bourdonnement trouble à miner le moral.

Un rossignol des champs apparu devant lui
Chantant du Mozart telle une flûte enchantée.
« Je reconnais cet air, une gigue futée ;
C’est du Wolfgang tout cru raillé par un cui-cui. »

Bonjour ! Monsieur Ludvig, dit le charmant oiseau.
Quel beau temps vous emmène en ce bois des Ardennes ?
N’êtes-vous pas en fugue à fuir quelques rengaines ?
Chantez-moi quelque chose en do et en rondeau.

« Fichez-moi la paix ! dit Beethoven contrarié ;
Vous êtes un oiseau de malheur sans cervelle,
Votre chant est bruyant, nul, une bagatelle.
Laissez-moi tranquille, rossignolet perché. »

« Sachez que :
La musique est une chose très redoutable. »
Ah, je ne comprends pas, dit humblement l’oiseau.
« Que fait-elle, croyez-vous, jeune et bel oiseau ? »
Elle élève l’âme, nous rend moins misérables.

« Absurde !
Quand vous entendez la fanfare,
Est-ce que votre âme s’élève ? Non !
Vous entendez une valse, vous dansez.
Vous entendez un requiem, vous méditez.
Vous entendez une symphonie, vous rêvez.
La musique a ce pouvoir de nous transporter
Dans l’état d’esprit du compositeur.
L’auditeur n’a pas le choix.
C’est comme de l’hypnotisme. »

Sur ce ; Ludwig quitta les lieux,
Entra chez lui, mit une oreille sur son piano
Et d’une main improvisa une triste mélodie.
De sa fenêtre ouverte, on voyait un clair de lune ;
Un moqueur-chat s’y percha imitant
Les grognements du compositeur.
Beethoven ne l’entendit pas.





Tous droits réservés © Claude Lachapelle / juin 2021


Ecrit par Claudel
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