Le livre de la vie

Le nom du nouveau-né c’est l’unique motif
Et c’est le seul auteur d’un livre singulier
Venu s’amalgamer au vivant collectif
Sa tranche est aplanie, ses angles bien taillés
Car tout reste à écrire et tout reste à vivre
Sur la toile vierge de ce merveilleux livre

La première page porte déjà une ombre
Sur l’angélique enfant et ses premiers chagrins
Hélas avec le temps ils accourront sans nombre
Pleins de larmes salées ainsi que les embruns
Mais l’enfant de l’homme a tôt fait de changer
Les pleurs en sourire et en joie les dangers

La Jeunesse se rit des griffes du destin
Bien qu’elles impriment chaque jour une ligne
Pour l’écolier la vie est un miroir sans tain
Dont il ne perçoit pas les subtils intersignes
Son livre ainsi s’anime de jeux et de bravades
D’expériences, d’échecs, parfois de dérobades

Devenu grand il AIME et son livre s’emplit
De passions, de folies en chapitres entiers
Et ses amours blessés avec leurs embellies
Et leurs ciels orageux comblent l’anecdotier
Puis l’adulte se range au milieu des parents
Éduque ses bambins, porté par le courant

Après avoir couvert les dédales des années
Et sans jamais faillir été porte-drapeau
De son livre à présent les pages sont cornées
Et l’homme fatigué espère le repos
Mais c’est la maladie qui l’atteint et le broie
Mal guéri, résigné, il pose son carquois

L’horizon a cessé de s’enfuir devant lui
Vétéran des parcours il en atteint les bornes
C’est la dernière page qu’il tourne sans bruit
Pour aller rejoindre le néant vide et morne
Homme et livre ensemble s’estompent en poussière
Dont les grains deviendront homme ou rose trémière


poème inspiré de l'expression en langue bretonne "être à l'agonie" : "bezañ o serriñ e levr" qui se traduit littéralement par "être en train de fermer son livre"

Ecrit par Cardaline
Tous droits réservés ©
Lespoetes.net